Le reconfinement est un piège pour la société française

02.11.2020

C’est un secret de polichinelle : le reconfinement était envisagé depuis l’été dernier. La stratégie de communication du ministère de la Santé s’est déployée autour de cette perspective depuis plus de deux mois, de façon à la faire accepter par la majorité de la population le jour J. Les médias « mainstream » lui ont fourni une aide décisive. Ils sont le relais et l’instrument privilégiés de cette communication. Et force est, hélas, de constater qu’ils jouent très bien le rôle. S’appuyant mécaniquement sur les chiffres, la communication consiste à ne s’intéresser qu’aux indicateurs les plus alarmants, en changeant d’indicateur, au fil du temps, si celui qu’on utilisait ne permet plus d’envoyer le message espéré. Et si un indicateur a une évolution en dents de scie, la communication se fait uniquement les jours où les chiffres augmentent. Il n’y a qu’un seul message possible.

Avant-hier, 27 octobre, la manipulation a atteint son comble. La totalité des médias a titré sur les prétendus 523 morts, « du jamais vu depuis le confinement ». Or ce chiffre était faux. Selon Santé Publique France, il y a eu 292 morts à l’hôpital, contre 257 la veille. Mais l’on ajoute les morts en EHPAD qu’une fois tous les 4 derniers jours. Prétendre compter les morts quotidiens ce jour-là revient donc à gonfler artificiellement les chiffres, à la veille de l’allocution annoncée du président de la République, qui a repris à son compte ce chiffre faux. Un détail ? Non, un exemple parmi beaucoup d’autres.

Une deuxième vague prétendue «plus terrible» encore que la première

C’est le président du « Conseil scientifique » (M. Delfraissy) qui le dit : arriverait une deuxième vague « plus forte encore que la première » et nous serions déjà dans « une situation critique ». Nous pensons que c’est une manipulation d’un Conseil qui n’est plus scientifique mais politique, et qu’il est urgent de revenir à la raison. Selon les chiffres de Santé Publique France, sur les près de 15 millions de tests effectués à ce jour, 93% sont négatifs. Et parmi les 7% restant de la population testée positive, plus de 85 % ont moins de 60 ans ; il s’agit donc essentiellement de personnes qui ne risquent pas de faire une forme grave de la maladie.

Au final, moins de1% de la population est donc «à risque» et c’est uniquement elle qu’il faut protéger. Autre façon de le dire : au cours de la période récente (entre le 01/09 et le 20/10, jour où nous avons fait ce calcul), 7 621 098 personnes ont été testées. Sur cette même période, 38 100 individus ont été hospitalisés (0,5%) et 6 593 ont été admis en réanimation (0,09%) avec un test positif au Covid. En d’autres termes, depuis le 1er septembre, sur cet énorme échantillon de la population de 7,6 millions, la probabilité moyenne pour un individu lambda (sans distinction d’âge ou de comorbidité) de ne pas être hospitalisé est de 99,5% et celle de ne pas être admis en réanimation est de 99,91%. Justifier le reconfinement de 67 millions de Français sur cette base s’appellerait un délire.

On dit alors : « oui mais l’hôpital est submergé par le Covid ». Manipulation encore. D’abord, les tests ayant été généralisés depuis juillet, toute personne entrant à l’hôpital porteuse d’une trace du Covid est comptée comme un « hospitalisé Covid » même si elle vient en réalité pour son cancer ou son hypertension. Et c’est la même chose si elle entre en réanimation ou si elle décède. Ensuite, si les chiffres de l’hospitalisation et de la réanimation augmentent bel et bien, cela n’a rien d’exceptionnel : c’est au contraire ce qui se produit chaque année à la même époque (automne-hiver) mais que nos politiques font semblant d’avoir oublié.

La vérité est que les gouvernements ne veulent pas investir dans l’hôpital public où l’on maltraite les professionnels et où l’on a perdu près de 70 000 lits en 15 ans alors même que la médecine de ville est saturée et que les services d’urgence voient leur fréquentation augmenter d’année en année. Bien sûr que l’hôpital est en tension, mais ce n’est pas fondamentalement à cause du Covid ! C’est essentiellement à cause de la maltraitance politique dont ce service public est l’objet de manière générale depuis plus de 20 ans, et tout particulièrement depuis que les politiques y ont introduit comme partout une politique du chiffre et de la rentabilité inspirée du management des grandes entreprises.

Un Alzheimer généralisé s’est-il emparé de nos politiques et des journalistes ? Faut-il rappeler qu’en janvier 2020, à la veille de la crise du Covid, 1 000 médecins dont 600 chefs de service des hôpitaux avaient menacé de démissionner pour dénoncer « un hôpital public qui se meurt » ? Est-ce qu’on ne nous prendrait pas pour des idiots ?

La vie sociale amputée, la démocratie en péril

La vérité est que le confinement crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Son bilan mondial n’est associé à aucune réduction mesurable de la mortalité tandis que son principal résultat observable est, d’abord de mettre au chômage des centaines de milliers et peut-être demain des millions de personnes, surtout, évidemment, parmi les plus fragiles (emplois précaires, personnes payées à la prestation, etc.), et de menacer de disparition la plupart des petites entreprises, souvent familiales, autres que les commerces de bouche, dont l’activité quotidienne ou saisonnière est la seule source de revenu.

Gageons que les très grands groupes s’en rachèteront peut-être demain. Ces mesures de confinement ont ensuite pour effet d’amputer la vie sociale de la plupart des liens sociaux autres que familiaux. Un certain fantasme embourgeoisé s’en satisfait, chaque enfant ayant sa chambre pour vivre son intimité, son ordinateur pour rester en contact avec l’école et son smartphone avec forfait illimité pour échanger en permanence avec ses amis, les parents faisant du télétravail, sortant chaque jour faire leur footing dans des rues et des espaces verts « où on entend de nouveau les oiseaux », et se faisant livrer des repas à domicile s’ils ont la flemme de faire à manger ou la peur d’aller se mêler à la populace dans un supermarché.

Mais de quelle infime proportion de la population cette vie est-elle le quotidien en confinement ? Que le confinement entraine ailleurs déjà des soulèvements et des émeutes de la faim? Qu’il fait exploser les inégalités sociales, les échecs scolaires, les violences intrafamiliales, les troubles psychologiques et les renoncements au soin? Et qui ne comprend que les oiseaux ont bon dos et que ces petits moments de répit procurés par la panique des humains ne sont rien au regard de leur lente extinction ?

Quant à la démocratie, elle est mise sous cloche. C’est le coup d’état d’urgence permanent. Qu’est-ce qu’une démocratie sans liberté d’aller et venir, de se réunir et de manifester ? Qu’est-ce qu’une démocratie où il n’y a quasiment plus personne dans les hémicycles des assemblées parlementaires ? Qu’est-ce qu’une démocratie où la justice est paralysée ? Qu’est-ce qu’une démocratie où, finalement, il n’y a plus qu’un pouvoir exécutif ? Qu’est-ce qu’une démocratie où tout ceci s’impose par la peur et la culpabilisation, voire la censure et la mise en accusation de quiconque refuse d’y céder ?

Chacun, en conscience, tirera les conséquences qu’il veut de tous ces dramatiques constats. Nous n’appelons pas à la révolution et nous ne faisons pas de politique partisane. Mais nous voulons dire que nous en avons assez qu’on nous demande de nous comporter comme les moutons de Panurge au nom d’un principe de précaution dénaturé. Nous réclamons qu’on en finisse avec cette panique sanitaire, qu’on donne aux soignants les moyens de remplir leurs missions de santé publique, qu’on cesse de violenter des pans entiers de la société et qu’on sorte de cet état d’urgence permanent pour bâtir démocratiquement une politique sanitaire consensuelle.

Source: Afrik.com