L’impossible chemin de l’Union européenne pour la Serbie
Le sommet UE-Balkans occidentaux s’est tenu à Sofia, en Bulgarie, le 17 mai 2018. Les discussions ont montré la frilosité des pays membres à élargir l’Union européenne aux États des Balkans occidentaux, malgré les promesses répétées à la Serbie ou au Monténégro. Depuis, le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne et les critiques au sein de l’Union ne cessent de se développer, depuis l’Italie à la Grèce en passant par les pays du groupe de Visegrad.
Le problème du Kosovo a une nouvelle fois divisé les États membres. N’en déplaise à Bruxelles, l’UE compte 23 de ses 28 membres reconnaissant le Kosovo. Lors du sommet, les 5 pays récalcitrants ont empêchés Bruxelles d’adopter une feuille de route commune sur le Kosovo, alors que le Kosovo et la Serbie sont candidats à l’Union européenne.
L’adhésion impossible…
« Le seul gros problème que je considère comme un obstacle réel sur notre chemin européen est la question du Kosovo » précise Aleksandar Vučić. Le Président serbe espère toujours que son pays rejoigne l’UE en 2025, le Monténégro espère suivre le même chemin.
Un accord de normalisation entre la Serbie et le « Kosovo » a été signé le 19 avril 2013 dit « accord de Bruxelles », mais ce dernier n’a pas créé depuis l’association des « municipalités serbes » dans le nord du pays, où vivent près de 120 000 Serbes. Les Albanais du Kosovo « pensent que la reconnaissance de la pleine indépendance du Kosovo par la Serbie n’est qu’une question de temps ». Les Albanais du Kosovo ont raison. Le Président de la République et le Premier ministre serbe laissent entendre à la population serbe que l’Union européenne exige des conditions complexes à la Serbie concernant le Kosovo. Or, la réalité est que Bruxelles n’a jamais changé ses conditions. L’Union européenne a été honnête avec la Serbie et a exigé qu’à court terme, la Serbie reconnaisse le Kosovo si elle souhaitait adhérer à l’Union européenne.
Le Premier ministre serbe Ana Brnabić insinue ne pas voir eu connaissance de ces modalités en mai 2018, « la Reconnaissance du Kosovo comme un état indépendant ne peut pas et ne serra jamais une condition pour l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne précise Ana Brnabić… La condition de la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo n’a jamais été placée sur la table comme une condition pour la Serbie de rejoindre l’UE ». Les élites serbes semblent se moquer de leur peuple. À moins qu’il s’agisse d’une stratégie afin d’abandonner le Kosovo et Métochie en désignant l’UE comme coupable
Soros à l’attaque
Quelques semaines avant le sommet des Balkans, l’Open Society du controversé Georges Soros s’est reportée sur la Serbie à la suite de la fermeture de son bureau en Hongrie. L’ONG a déplacé ses bureaux à Berlin « en raison du contexte politique et législatif de plus en plus répressif en Hongrie ».
L’Open Society a commandé une étude qui présente des résultats étonnants. Cette étude réalisée par Ipsos Marketing Strategic précise que 42 % des Serbes estiment que Belgrade devrait se concentrer sur l’intégration à l’UE et reconnaître l’indépendance du Kosovo. Plus surprenant encore, 40 % des Serbes penseraient que « le premier homme politique à reconnaître la perte du Kosovo ferait preuve d’un grand courage et gagnerait le respect du peuple ».
Le Kosovo et Métochie est la Jérusalem des Balkans, ainsi que le cœur historique du peuple serbe. Les principaux monastères orthodoxes serbes se situent au Kosovo et ont une forte valeur spirituelle. Plusieurs de ces monastères sont au patrimoine mondial de l’UNESCO et également du patrimoine mondial en péril, comme le patriarcat de Pec. Or, la Serbie doit faire face à de nombreux enjeux aujourd’hui : une faible natalité, une émigration d’une partie de sa jeunesse, une islamisation du Sandžak, une croissance économique nulle, une hésitation quant à ses alliances stratégiques, etc.
Les Serbes souhaitent-ils réellement récupérer un territoire comprenant plus de 95 % d’Albanais musulmans ? Une solution sérieuse et réaliste serait un échange de territoires entre la Serbie et le Kosovo. Le ministre des Affaires étrangères, Ivica Dačić a déclaré publiquement son intérêt pour cette solution. Récupérer le nord du Kosovo où vivent plus de 100 000 Serbes, en échange du Sandžak serbe qui compte une population de Serbes musulmans et d’albanais.
Cette proposition, si elle intéressait le gouvernement du Kosovo, aiderait à stabiliser les relations entre les deux États et permettrait aux 120 000 Serbes vivant autour de Kosovska Mitrovica de rejoindre la « mère patrie ». Aleksandar Vučić a rejeté la proposition de son ministre, ne souhaitant pas en discuter. Quelques années auparavant, cet échange de territoires aurait pu se réaliser. Aujourd’hui, le Kosovo se trouve en position de force, étant donné l’avancée des négociations de la Serbie pour adhérer à l’Union européenne. Le rêve ou mirage européen fera-t-il sceller définitivement le sort de l’ancienne province serbe ?
Source : Medium