L'euro est trop fort de 6,8% pour la France et trop faible de 18% pour l'Allemagne selon le FMI
Une même monnaie, mais des économies nationales fort différentes. Alors que la France a accusé un déficit extérieur de ses paiements courants de 19 milliards d'euros en 2016, l'Allemagne a enregistré la même année un excédent de 261 milliards d'euros. Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que la monnaie unique n'est adaptée ni à l'une ni à l'autre, comme si on voulait faire passer le même costume à «Passe- Partout» , le nain le plus célèbre de France, et au basketteur Tony Parker.
Le Fonds monétaire international, qui a des experts chevronnés et impartiaux, a ainsi calculé que l'euro est en réalité sous-évalué d'environ 18% pour l'Allemagne et qu'il est au contraire surévalué de 6,8% pour la France. Ces chiffres figurent dans l'étude annuelle du FMI intitulée «External Sector Report». Derrière ce titre sibyllin qui n'est guère plus parlant une fois traduit en français, l'organisation financière internationale répertorie les déséquilibres extérieurs des 28 pays les plus importants économiquement de la planète, lesquels représentent au total 85% du PIB (produit intérieur brut) mondial.
Le FMI ne vise certes pas à mettre en exergue les disparités franco-allemandes - ce n'est pas le genre de la maison que de répandre du sel sur les plaies - mais ces informations y figurent et elles sont analysées de façon détaillées. Pour estimer qu'une monnaie d'un pays est «surévaluée» ou au contraire «sous-évaluée» par rapport à ses propres performances économiques et à ses besoins, le FMI se réfère principalement aux excédents ou aux déficits extérieurs de chaque économie nationales, ce qui englobe les échanges commerciaux de marchandises et de services. Mais ce n'est pas le seul critère. Le niveau des coûts salariaux notamment, ainsi que la démographie sont également pris en compte.
L'Allemagne enregistre des excédents extérieurs excessifs
Ainsi est-il légitime que l'Allemagne, dont la population est vieillissante et en diminution absolue, enregistre de façon récurrente des excédents extérieurs substantiels car elle a besoin d'accumuler des réserves pour assurer les retraites de sa population. Mais sans doute pas à ce point. Les experts du FMI considèrent que l'économie allemande devrait afficher un excédent externe annuel compris entre 2,5% et 5,5% de son PIB alors que ce surplus a atteint 8,3% du PIB l'an dernier.
L'ensemble des données prises en compte par l'étude portent en effet sur l'année 2016 et lorsqu'il est fait état de «surévaluation» ou de sous-évaluation» d'une devise, cela s'entend vis-à-vis de l'ensemble des autres monnaies et pas seulement du dollar américain. Le FMI utilise à cet égard la notion de «taux de change effectif réel», c'est-à-dire en l'occurrence le taux de l'euro vis des monnaies des pays avec lesquels la France et l'Allemagne commercent. L'adjectif «réel» signifiant qu'il a été tenu compte de l'inflation.
Alors que l'euro s'est assez nettement raffermi ces trois derniers mois et qu'il atteint aujourd'hui son plus haut niveau depuis deux ans et demi, le phénomène de surévaluation pour la France tend donc à s'aggraver. Et vice versa pour l'Allemagne.
Si les travaux du FMI sur les principales monnaies nationales peuvent paraître quelque peu techniques dans leur approche, ils n'en sont pas moins pain béni pour le monde politique. Donald Trump s'en est servi l'hiver dernier pour stigmatiser les excédents commerciaux allemands. Quant à Marine Le Pen, elle y a fait maintes fois référence lors de la dernière campagne présidentielle en France, alorsqu'elle militait pour une sortie de la France de l'euro.
Pour sa part le FMI, dont la mission principale est, faut-il le rappeler, la stabilité financière internationale, se garde bien de tirer des conclusions aussi radicales. Prenant acte des disparités franco-allemandes, il se contente de préconiser des remèdes plus classiques. Pour l'Allemagne il estime que «des mesures additionnelles de relance seront nécessaires pour rééquilibrer l'économie». Quant à la France, les experts internationaux rappellent une énième fois leur ordonnance (au sens médical du terme): «modération salariale (spécialement pour le salaire minimum), réformes additionnelles du marché du travail, et mesures pour accroître la productivité». C'est sans doute à ce prix que les deux premières économies de la zone euro pourront à nouveau converger. Une condition sine qua non pour garder la même monnaie.