Les nouvelles sanctions euro-américaines – La « Bataille de Russie » est en cours
Les États-Unis et l’UE, ont adopté de nouvelles sanctions contre la Russie. Si l’UE s’est bornée à symboliquement sanctionner quatre hauts responsables russes, dont les institutions ont osé être impliquées dans la condamnation de Navalny, démontrant ainsi simplement leur allégeance aux États-Unis, ces derniers attaquent plus frontalement, notamment les domaines de la vente d’armes et de la recherche scientifique en Russie. De son côté, la Russie, par la voix de Lavrov, a promis de répondre à cette « attaque hostile ». La radicalisation des relations entre le clan atlantiste et la Russie suit, in fine, son cours normal – jusqu’à victoire de l’un des deux dans cette Première Guerre globale. Et la « Bataille de Russie » qui se joue est déterminante.
L’UE l’avait annoncé, elle a adopté ses sanctions, continuant à se laisser instrumentaliser dans un combat qui la dépasse (voir notre texte ici). Assez modiquement, elle cible comme prévu quatre personnalités. Comme le formulent les médias français :
« Les sanctions européennes concernent Alexandre Bastrykine, le chef d’une commission d’enquête qui rend compte directement à Vladimir Poutine, Igor Krasnov, le procureur général de Russie depuis 2020, Viktor Zolotov, le chef de la Garde nationale russe qui a publiquement menacé Alexeï Navalny, et Alexandre Kalachnikov, le chef du service pénitentiaire fédéral russe ».
Le niveau d’incompétence de nos médias est effarant : précisons qu’il n’existe pas de « commission d’enquête qui rend compte directement à Vladimir Poutine », mais un organe du pouvoir d’État appelé Comité fédéral d’Enquête, qui a été créé par la loi en 2011 sous influence directe des organismes internationaux, dans leur lutte contre la Procuratura, jugée pas suffisamment « indépendante » et dont le personnel d’enquête a été transféré du Parquet vers ce Comité. Dans cette logique, justement, il a été créé comme un organe autonome.
Les Européens se sont enfermés dans une vision bisounours du monde : l’un rend compte directement à Poutine, l’autre n’a pas bien parlé au procès, le troisième a fait peur à Nava et le quatrième va emmener Nava en prison – conformément à la décision de justice. Quelle horreur ! Comme attendu, la politique européenne de sanctions est dans une impasse, car l’UE ne peut aller plus loin : devant défendre les intérêts atlantistes, elle se trouve en confrontation avec les intérêts des pays européens, dont certains défendent leurs relations directes avec la Russie.
De leur côté, les États-Unis de Biden, Démocrates à souhait, reprennent le flambeau et rattrapent le retard. Le Département américain des Finances reprend la même liste de noms de celle des Européens, puisqu’ils n’y sont pas étrangers, et bloquent les avoirs de ces hauts responsables aux États-Unis, leur accès au territoire, etc. Trois instituts de recherche lié à la Défense et à la chimie sont également visés. Sauf rendre encore plus difficiles les relations diplomatiques, cela n’a pas d’impact particulier sur la politique russe. Ce que le journal NYT reconnaît d’ailleurs clairement – cette politique de sanctions fonctionne surtout contre les petits pays, pour faire comprendre son mécontentement, c’est un instrument de soft power :
« Mais dans l’affaire Navalny, seules des sanctions ont été annoncées – et elles risquent d’avoir peu d’effet. L’histoire montre que les sanctions fonctionnent mieux, voire pas du tout, sur les petites nations moins puissantes, et ce uniquement dans le temps. Elles sont souvent utilisées pour signaler une désapprobation sans trop attendre un changement de comportement ».
Mais de son côté, le Département du Commerce a également adopté une liste de sanctions, dont l’impact peut être plus fort. 14 entités sont visées en raison du danger qu’elles peuvent présenter à la sécurité nationale, entités qui se trouvent principalement en Russie, mais également en Suisse et en Allemagne :
« L’ERC a décidé d’ajouter les treize entités suivantes : Chimmed Group ; Chimconnect GmbH ; Chimconnect AG ; Pharmkontract GmbH ; Femteco ; Interlab ; LabInvest ; OOO Analit Products ; OOO Intertech Instruments ; Pharmcontract GC ; Rau Farm ; Regionsnab ; et Riol-Chemie, à la liste des entités sur la base de leurs activités de prolifération à l’appui des programmes russes d’armes de destruction massive. Neuf de ces entités sont situées en Russie, trois en Allemagne et une en Suisse. Conformément à l’article 744.11 de l’AER, le CER a également décidé d’ajouter le 27ème centre scientifique du Ministère russe de la Défense (alias 27e TN) situé en Russie à la liste des entités. Cette entité est une installation du Ministère de la Défense du gouvernement russe associée aux activités d’armes chimiques de la Russie. Conformément à l’article 744.11(b) de l’AER, l’ERC a déterminé que la conduite de ces quatorze entités suscite suffisamment d’inquiétudes pour que l’examen préalable des exportations, réexportations ou transferts (dans le pays) de tous les articles soumis à l’AER impliquant ces entités, et l’imposition éventuelle de conditions de licence ou de refus de licence sur les envois impliquant les entités, renforcent la capacité de la BRI à empêcher que les articles soumis à l’AER ne soient utilisés dans des activités contraires aux intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale et de politique étrangère ».
En se fondant sur la « production d’armes chimiques et biologiques », ces entreprises sont sur liste noire. Autrement dit, il est interdit de commercer avec elles, sous peine de sanction, de les financer et d’y prendre des parts.
Comme l’a déclaré le Secrétaire d’État, la Russie est mise dans la liste des États avec lesquels il est interdit d’exporter toute production liée à la défense, toute technologie et service. Une exception est faite pour la coopération internationale cosmique, mais la coopération commerciale cosmique prendra fin dans un délai de 6 mois.
Par ailleurs, le Département d’État a annoncé que tout crédit bancaire et aide financière à des structures étatiques russes est interdit, sauf pour une aide humanitaire d’urgence (sic). Le but est assez clair : mettre la Russie à genoux.
D’autres sanctions, plus fortes, sont envisagées dans un avenir proche par l’administration Biden sur le fondement de l’attaque du fournisseur américain de logiciel SolarWinds, pour laquelle la Russie est, évidemment, suspecte :
« Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale, a déclaré que la réponse « ne sera pas simplement des sanctions » et a également laissé entendre une sorte de réponse secrète ».
La Russie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rappelé que le principe de réciprocité n’a pas été annulé et qu’une réponse réciproque sera apportée, même si elle ne sera pas obligatoirement symétrique. D’une manière générale, le Ministère des Affaires étrangères interprète l’adoption de ces sanctions par l’UE et les États-Unis comme « une attaque hostile » contre la Russie.
La politique de sanctions, pour le clan atlantiste, est un nouvel instrument de la politique américaine d’endiguement, datant de l’époque de la guerre froide. Cet instrument est autant d’actualité, car nous sommes à nouveau dans une guerre froide : guerre, puisqu’il s’agit d’un combat du monde global pour l’occupation politique du territoire, mais froide car cette guerre ne se mène pas avec des tanks – ce qui ne la rend pas moins dangereuse. Comme les guerres sont ponctuées de différentes batailles, certaines plus importantes que d’autres, la « Bataille de Russie » de cette Première Guerre globale est en cours et elle est fondamentale pour l’avènement de ce monde global. La leçon a été tirée du passé : on ne peut vaincre la Russie par les armées (Napoléon, la Seconde Guerre mondiale), mais on peut la faire tomber par la trahison politique d’une partie de ses élites (en février 1917 et en 1991). À la Russie de tirer, elle-aussi, les leçons du passé.
par Karine Bechet-Golovko
Source : Russie Politics