La situation s’aggrave au Kazakhstan : malgré l’état d’urgence, les manifestations gagnent de nouvelles régions

07.01.2022

La nuit du 4 au 5 janvier a été chaude au Kazakhstan, où des manifestations et des grèves ont éclaté. Des manifestations de masse ont déjà conduit à la démission du gouvernement et d’un certain nombre de fonctionnaires les plus proches du premier président, Noursoultan Nazarbaïev. Et malgré la proclamation de l’état d’urgence, les troubles se poursuivent, notamment dans la plus grande métropole, Almaty.

Tout a évolué à la vitesse de l’éclair : les travailleurs et les habitants d’Aktobe, d’Ouralsk, de Kyzyl-Orda, de Tourkestan, de Chymkent, de Kokchetaou, de Kostanaï, de Taldykorgan, d’Ekibastouz, de Taraz, de la région d’Almaty et d’autres villes et régions du Kazakhstan ont commencé à descendre dans les rues et sur les places centrales la nuit. Il y a eu un rassemblement à Astana avec des barrages routiers. Les camionneurs ont bloqué une partie des rues de Chymkent.

Les travailleurs du secteur pétrolier en grève dans l’ouest du Kazakhstan ont été rejoints par les mineurs de la région de Karaganda et les mineurs de la société Kazakhmys Corporation dans l’ancienne région de Jezkazgan, qui se trouve dans le centre du pays. Pendant ce temps, les travailleurs du secteur pétrolier en grève dans la région d’Atyraou ont bloqué la voie ferrée et l’autoroute au niveau du champ de Tengiz, empêchant les managers étrangers et la police d’y accéder.

Les autorités ont ensuite tenté de disperser des manifestations à Astana, Taraz, Taldykorgan, Ekibastouz, Kokchetaou et Ouralsk. La police a utilisé des grenades assourdissantes, des matraques et des dispositifs spéciaux. À Taraz, les mères de familles nombreuses qui étaient venues assister à une manifestation pacifique et tous les journalistes ont été arrêtés en masse.

Mais les affrontements et les manifestations de masse les plus importants ont eu lieu à Almaty, où les voitures des manifestants ont d’abord bloqué les routes, puis les migrants internes des banlieues ont commencé à se rassembler et à marcher dans différentes directions jusqu’à l’administration régionale de la ville, où ils ont tenté de prendre le contrôle du bâtiment administratif.

La police a également utilisé des grenades assourdissantes, des gaz lacrymogènes, des matraques et des balles en caoutchouc. Dès 2 heures du matin, les assaillants se sont brièvement emparés de l’administration régionale.

Dans le même temps, le président Kassym-Jomart Tokaïev a déclaré l’état d’urgence à Almaty et dans la région de Mangistaou, du 5 janvier à 1 h 30 au 19 janvier 2022 à 0 h 00. Il a également déclaré qu’il convoquerait le gouvernement le 5 janvier sur toutes les questions sociales urgentes. Les autorités ont bloqué l’Internet, les communications mobiles et ont effectivement bloqué un certain nombre de médias électroniques pour empêcher la coordination des efforts des manifestants.

La déclaration de l’état d’urgence n’a eu aucun effet, car les émeutes et les affrontements avec la police à Almaty se sont poursuivis toute la nuit jusqu’au matin, avec plus ou moins de succès. Les forces de sécurité n’ont pu que repousser les manifestants vers la périphérie, où quelques policiers ont pris le relais.

Aujourd’hui, les manifestants, qui vivent dans les principaux faubourgs de la ville, se sont à nouveau déplacés vers le centre avec le matériel saisi, où de violents affrontements se poursuivent.

En fait, le scénario kirghize se répète : lors des trois « révolutions », le rôle principal des événements a été joué par des jeunes chômeurs qui ont migré des zones rurales en ruine et ont vécu dans la banlieue de Bichkek. À Almaty et Nour-Soultan, ces enclaves ressemblant à des ghettos sont appelées « ceintures de martyr ». Cette fois, ça a marché.

Afin d’éviter une vague de troubles, le président a décidé dans la matinée, par décret, de limoger l’ensemble du gouvernement du Kazakhstan. Le ministère de l’énergie, la direction des entreprises nationales KazMunayGas et Kazakhgaz ainsi que le responsable de l’ancienne usine de traitement du gaz ont été désignés comme responsables des événements. Ce dernier a même été arrêté. Dans le même temps, un changement est intervenu dans le cercle restreint du premier président Noursoultan Nazarbaïev.

Samat Abich, le neveu de Nazarbaïev, a été démis de ses fonctions de premier adjoint du Comité de sécurité nationale. Le secrétaire d’État Krymbek Koucherbaïev, qui s’était distingué en tant que chef de l’Oblast de Mangistaou lors de la fusillade des travailleurs du pétrole à Janaozen dix ans auparavant, a également été licencié. Au même moment, Ierlan Karin, un assistant de l’actuel président, ardent russophobe, partisan du panturquisme et curateur de tous les mouvements nationalistes du Kazakhstan, a été nommé à son poste.

Cela suggère avant tout un changement de cap et un renforcement du pouvoir de Tokaïev. Dans ce contexte, d’autres nominations ne sont pas exclues. Le Président lui-même a déjà organisé une réunion avec le cabinet ministériel intérimaire pour discuter de la situation dans le pays et des mesures à prendre pour résoudre la situation, puisque l’état d’urgence n’a pas permis de mettre fin aux rassemblements et aux grèves. M. Tokaïev a proposé que l’État réglemente les prix dans la région de Mangistaou et à Almaty, et son décret a nommé Alikhan Smailov, qui était auparavant premier Vice-premier ministre, au poste de Premier ministre par intérim.

Pendant ce temps, à 11 h 00 heure locale, le ministère de l’Intérieur a fait le point sur les affrontements de la nuit à Almaty. Selon leurs informations, 137 policiers et 53 civils ont été blessés, 40 personnes ont été hospitalisées, dont sept blessés, parmi lesquels quatre policiers sont en soins intensifs. Lors des combats de rue à Almaty, 37 voitures de police ont été brûlées. Les forces de sécurité n’ont pas encore commenté le basculement de certains policiers du côté des manifestants ou la saisie d’un grand nombre de voitures et de camions officiels.

Selon certaines informations, des forces extérieures tentent d’intervenir dans les processus en parrainant activement des actions de communication sur les médias sociaux. Un certain nombre de groupes et des forums publics Telegram et WhatsApp ont été parrainés depuis les pays baltes, la Pologne et l’Ukraine. De cette manière, l’Occident cherche à influencer le cours des protestations au Kazakhstan en imposant son agenda politique. Bien que les événements aient été spontanés, il existe une menace de prise de contrôle de la direction des mouvements par des forces oligarchiques soutenues par l’autre côté de l’océan.

De son côté, malgré l’imposition de l’état d’urgence, la manifestation massive des travailleurs du pétrole en grève et de leurs familles se poursuit à Janaozen, où, selon diverses estimations, 10 à 15 000 personnes se sont rassemblées pour réclamer le retour de la Constitution de 1993 et un changement de gouvernement.

Le Conseil des Sages a déjà été formé et a assumé la pleine autorité dans la ville. Toute la production pétrolière de la région a été arrêtée et les forces de sécurité tentent actuellement de débloquer l’aéroport d’Aktaou.

Ce matin, des rassemblements ont également commencé dans des villes où ils n’avaient pas eu lieu auparavant, à savoir dans les centres russophones des oblasts de Petropavlovsk, Pavlodar, Oust-Kamenogorsk et Semipalatinsk. Dans un certain nombre d’endroits de ces villes, la police essaie d’utiliser des dispositifs spéciaux, tandis qu’à certains endroits, elle ne fait rien.

Tout le monde a été réveillé par les nouvelles en provenance d’Aktobe, où un rassemblement nocturne s’était transformé en manifestation de masse, à laquelle participaient déjà des dizaines de milliers de personnes, avec des travailleurs du pétrole en grève et venant des zones d’exploitation. La plupart des policiers présents sur la place ont également pris leur parti. Selon certaines informations, le bâtiment de l’administration régionale aurait été pris d’assaut, mais les manifestants sont divisés entre radicaux et modérés et les discussions sont vives sur la marche à suivre.

Comme on peut le constater, les participants aux actions de nuit ne vont pas encore se disperser. Bien qu’à Ouralsk, Taldykorgan, Ekibastouz et Astana, les autorités aient réussi à disperser les rassemblements, les manifestants se réunissent à nouveau ce matin pour de nouvelles actions et la journée d’aujourd’hui sera à bien des égards décisive et montrera si le président et le gouvernement provisoire peuvent stabiliser la situation ou si les grèves et les rassemblements vont balayer le pays.

Comme vous le savez, de violents affrontements se déroulent actuellement à Almaty et, à Balkhach, les fonderies de cuivre de la Kazakhmys Corporation se sont mises en grève et ont organisé un rassemblement pour réclamer une augmentation de 100 % des salaires.

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Note : La situation évolue d’heure en heure et le temps que cet article soit publié, puis traduit, la situation a encore changé. Huit policiers seraient morts, 317 seraient blessés. Tolkaïev a démis Noursoultan Nazarbaïev de son poste de Président du Conseil de sécurité nationale, endossant ainsi les deux casquettes. À Almaty la situation a complètement dégénéré, des combats auraient lieu entre les forces aéroportées et des bandes armées, il y a des pillages, et l’aéroport est tombé entre les mains des manifestants. En plusieurs endroits, les policiers et certains soldats sont passés du côté des manifestants. Ces derniers sont extrêmement violents et des vidéos les montrent en train de tabasser ou de tirer sur des soldats. Les manifestants ont aussi mis le feu à plusieurs bâtiments.

 

Si les revendications de départ sont légitimes (comme la baisse du prix du gaz qui a doublé en une journée), de nouvelles revendications anti-russes et l’implication de groupes Whatsapp dirigés depuis des numéros de téléphones ukrainiens font clairement craindre une récupération des manifestations par des radicaux pilotés et entraînés depuis l’étranger, et un Maïdan sauce kazakh.

La situation est devenue tellement chaotique que l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) envisage d’envoyer des casques bleus au Kazakhstan, après que le Président Tokaïev a demandé à l’organisation d’intervenir pour l’aider à gérer la situation qu’il considère comme une agression organisée depuis l’extérieur du pays. Vladimir Poutine a immédiatement ordonné de porter assistance au Kazakhstan.

Par Aïnour Kourmanov.

 

source : https://www.politnavigator.net
traduction Christelle Néant
via https://www.donbass-insider.com

 

 

 

 

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