La guerre contre la Syrie réveille les appétits iranien et saoudien

21.02.2022

La guerre contre la Syrie a favorisé d’étranges retournements. L’Iran, qui soutenait Damas en vertu d’un vieil accord de la Guerre froide, a voulu utiliser la situation pour récupérer le rôle de gendarme de l’Orient que les Etats-Unis avaient confié au Shah Reaza Pehlevi. L’Arabie saoudite s’est rapprochée d’Israël, lui a acheté des bombes atomiques tactiques et s’est lancé avec son aide dans une guerre au Yémen.

51— L’ÉTAT SYRIEN ET BACHAR EL-ASSAD

Les États-Unis sont parvenus à installer le chaos, selon eux «  constructeur  », en Afghanistan, en Irak, en Tunisie, en Égypte, en Libye, au Yémen et en Syrie. Cependant, trois d’entre eux se relèvent partiellement du choc qui leur a été asséné. Dans la pratique, Washington a surtout désorganisé les populations tribales (Afghanistan, Est de l’Irak, Libye, Sinaï égyptien et Yémen), assez peu les États (Tunisie, Égypte, Syrie).

La notion même d’État a été inventée avec les cités-royaumes antiques de Mésopotamie et du Levant. C’est parce qu’il craignait ce type de résistance que Washington a corrompu durant de longues années le régime du Président Saddam Hussein, puis a organisé la débaasification de l’Irak. Malgré tous les poncifs sur la corruption en Syrie, il n’a jamais réussi à acheter les vrais dirigeants du pays.

S’ils ont été intoxiqués au début de la guerre et s’attendaient à voir l’OTAN débarquer et assassiner leur Président, les Syriens ont compris dès 2012 que tout cela n’était qu’une mise en scène. Ils sont alors revenus vers leur État qui a su les protéger. De manière étonnante, les épiceries syriennes n’ont jamais été vides, même lors des pires combats. Si l’on n’y trouvait, certes, plus de choix, il fut toujours possible de se nourrir. Identiquement, alors que les jihadistes n’ont cessé d’attaquer les centrales électriques et les conduites d’eau, il y a presque toujours eu quelques heures d’électricité et d’eau par jour. L’État n’a jamais abandonné ses écoles, ses hôpitaux et ses tribunaux. Il a toujours payé tous ses fonctionnaires, y compris ceux qui se trouvaient en zone occupée par l’ennemi. Il a continué à entretenir les routes et même les jardins publics.

Derrière cette extraordinaire pérennité de l’État, l’union nationale entre les baasistes arabes, les anti-impérialistes du PSNS, et les communistes, sous le commandement d’un homme  : le Président Bachar el-Assad.

Ce fils cadet du Président Hafez el-Assad ne se destinait pas à la politique, mais à la médecine. Ophtalmologue, il poursuivit ses études à Londres où il rencontra son épouse, Asma Al-Akhras, une Britannico-Syrienne de confession sunnite et travaillant à la City chez JP Morgan. Tous ceux qui l’ont connu au Royaume-Uni attestent de sa gentillesse et de son sens des responsabilités. Fils d’un chef d’État, Bachar refusa d’ouvrir un cabinet privé considérant que sa position l’obligeait à servir les autres dans un hôpital. Lorsque son frère aîné Bassel mourut au volant de sa voiture, il revint en Syrie où son père commença à l’introduire en politique. À la mort de celui-ci, en 2000, alors que les choses n’étaient absolument pas planifiées en ce sens, les généraux de son père lui demandèrent de lui succéder. Ce choix fut confirmé par les Syriens lors d’un plébiscite. Un peu plus d’un an après sa prise de fonction, les États-Unis décidaient d’anéantir sa région. Durant la décennie qui suivit, il fut happé par les questions extérieures, tentant successivement d’éviter la guerre puis de s’y préparer. Extrêmement populaire dans son pays et dans l’ensemble du monde arabe, il fut profondément déstabilisé lorsque les Syriens, mi-2011, se détournèrent de lui. Conscient que sa fuite plongerait la Nation dans le chaos, il décida de rester, malgré les tentatives d’assassinat. Trouvant en lui dans l’épreuve un courage et une ténacité que probablement il ignorait, Bachar el-Assad (en arabe, le «  Lion  ») se redressa lentement, rassemblant progressivement son peuple derrière lui contre les envahisseurs, et fut réélu triomphalement et de manière régulière en juin 2014 et en mai 2021.

En 2006, le secrétaire général des Nations Unies avait créé un Tribunal spécial pour le juger. Par la suite, en 2012, 116 États et 14 institutions internationales l’ont accusé de crimes particulièrement odieux et ont exigé son départ. Aucun autre chef d’État n’a fait face à une telle adversité.

Seul le Président Hugo Chávez Frías avait vu, des années auparavant, en cet homme modeste à l’allure dégingandée, la capacité d’incarner la Résistance à l’impérialisme. Chaleureusement, il l’avait désigné comme son successeur, au plan mondial, face aux crimes de Washington et de ses alliés. Dans le dernier plan quinquennal qu’il rédigea pour le Venezuela, voyant les nuages s’amonceler, il appela toutes ses administrations à soutenir ce lointain pays, la Syrie [1].

Bachar el-Assad est une personne extrêmement rationnelle, écartant toute remarque intuitive pour ne s’attacher qu’aux faits. Cela lui donne une apparence froide. Je pense au contraire, que c’est un homme d’une grande sensibilité qui se protège de la principale faiblesse arabe  : l’émotion. Les Arabes en général, et lui plus que d’autres, sont des hommes passionnés. La poésie moyen-orientale est composée selon des tonalités musicales dont les langues européennes sont dépourvues. La culture arabe regorge d’intenses émotions qui sont mauvaises conseillères en politique. Il s’astreint donc lui-même et exige de ses conseillers et de ses généraux de s’en tenir aux seuls faits. Cette attitude ne lui permet pas d’anticiper les événements longtemps à l’avance, mais lui accorde une indéniable supériorité intellectuelle sur la plupart de ses interlocuteurs.

Alors que les Occidentaux le présentent comme un dictateur, je peux témoigner que certains de ses ministres ne lui obéissent pas et que d’autres détournent de l’argent public à leur profit. Comme tous les dirigeants du monde, il doit donc régulièrement en révoquer.

Après l’avoir célébré comme un grand démocrate, les Occidentaux le présentent comme un nouvel Hitler, torturant et éliminant ses opposants en masse dans une usine d’extermination, la prison de Saidnaya. La vérité est étonnamment différente. Avant la guerre, Bachar el-Assad était à peu près la seule personne dans son pays à croire en la supériorité de la pratique démocratique sur celle du gouvernement tiers-mondiste dont il avait hérité. Cependant pour que des institutions politiques soient efficaces, elles doivent être utilisées avec des comportements adaptés, s’enraciner dans l’Histoire et la société de leur pays. Il s’attacha donc à transformer la société tout autant que les Institutions. Il créa de toutes pièces une vaste classe moyenne et commença à démocratiser la pratique politique : reconnaissance de la pluralité des partis et fin de la prééminence du Baas (dont il est toujours le président) ; organisation de Commissions para-administratives dont la composition est représentative de la diversité des opinions ; libéralisation de la presse (mais pas des organes d’information publics), etc. [2]

Lorsque les événements débutèrent, en 2011, le président el-Assad ne réagit pas du tout de la manière que ses partisans et ses adversaires attendaient de lui. Alors que la majorité de son peuple attendait le renversement de la République par les Frères musulmans et avait perdu confiance en son chef, il décida de faire confiance à son peuple. Il ne fit pas voter des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre, comme l’ont fait les Occidentaux après les attentats du 11-Septembre. Au contraire, il leva l’état d’urgence (imposé par la guerre avec Israël et l’occupation du Golan), dissout les tribunaux d’exception, libéra les communications Internet (sauf pour les sites israéliens), et interdit aux forces armées de faire usage de leurs armes si cela pouvait mettre en danger des innocents. Beaucoup de Syriens regrettèrent la dureté son père, Hafez el-Assad, persuadés qu’ils étaient que Bachar venait de commettre une erreur dévastatrice, et que le pays allait être écrasé.

Lorsque les troubles se transformèrent en guerre, à la mi-2012, et qu’une multitude de jihadistes issus de toutes les populations musulmanes, du Maroc à la Chine, attaquèrent son pays, le président Assad décida de replier ses troupes dans les grandes villes. Les médias occidentaux notèrent avec délectation la partie toujours plus importante du territoire national aux mains des jihadistes. Ils interprétèrent le repli de la République sur la « Syrie utile » comme le début de sa défaite. En réalité, Bachar el-Assad choisissait de défendre son peuple plutôt que son territoire. Les populations des campagnes se réfugièrent dans les villes, sous la protection de l’armée, et presque aucune ne migra vers les déserts occupés par les jihadistes.

Lors de son discours du 12 décembre 2012, le président Assad posa les conditions de la restauration de l’unité du pays. Il fixa notamment la nécessité de rédiger une nouvelle constitution et de l’adopter par référendum à une majorité qualifiée ; et de choisir au moyen d’élections démocratiques la totalité des responsables politiques, le président de la République inclus. C’est ce qu’il fit et qu’il est prêt à refaire.

52— LE RAPPROCHEMENT WASHINGTON/TÉHÉRAN

Outre une méconnaissance de l’Histoire syrienne et une mauvaise appréciation de la personnalité du Président el-Assad, les Anglo-Saxons ont dû composer avec les revirements inattendus de plusieurs acteurs internationaux. À commencer par l’Iran.

Le conflit entre Washington et Téhéran date de la mégalomanie du Shah Reza Pahlavi. Il était le fils d’un officier qui s’était emparé du pouvoir avant d’en être écarté par Londres en raison de ses positions pro-nazies. Il devint un fidèle allié des Anglo-Saxons, acceptant que ceux-ci démettent son Premier ministre, le nationaliste Mohammed Mossadegh, et lui substituent le général ex-nazi Fazlollah Zahedi. En 1971, il organisa des festivités démesurées pour le 2 500e anniversaire de la fondation de l’Empire perse et commença à prétendre agir par lui-même. La terreur imposée par sa police politique, la Savak, et le sous-développement persistant de son pays suscitèrent une insurrection généralisée. Le conseiller de Sécurité nationale du Président Carter, Zbigniew Brzezinski, le convainquit alors de partir en voyage (comme cela se fera durant le «  Printemps arabes  » avec son homologue tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali), tandis qu’il organisait le retour d’un opposant historique en exil, l’ayatollah Rouhollah Khomeini. Selon les experts états-uniens, ce vieil homme, alors âgé de 76 ans, et l’ensemble du haut clergé ne prétendaient vouloir renverser la monarchie que parce qu’ils espéraient récupérer leurs terres confisquées par le Shah. La surprise fut donc totale lorsque, le jour même de son retour, le 1er février 1979, il se rendit au cimetière de Behesht-e Zahra honorer la mémoire des victimes du régime et, devant une foule gigantesque, appela l’armée à défendre le pays contre les Anglo-Saxons.

La révolution qu’il conduisit jusqu’à sa mort, en 1989, avait été préparée par un jeune philosophe iranien, Ali Shariati, ami personnel de Frantz Fanon, de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, et traducteur de Che Guevara. Profondément mystique, ce penseur hors du commun réinterpréta l’islam comme une théologie de la Libération. Il appela ses concitoyens à en expérimenter les principes et à n’en conserver que ceux qui leur donnaient la force de lutter contre l’impérialisme. Il fut assassiné par la Savak, à Londres, sept mois avant le retour de l’ayatollah en Iran [3].

De son côté, l’ayatollah Khomeiny réinterpréta le chiisme qui n’était jusque-là qu’une lamentation sur le martyre d’Ali et d’Hussein. Il appela ses disciples à moins les pleurer et, au contraire, à imiter leur engagement pour libérer le pays. Sous son impulsion, le chiisme, religion de la soumission, devint celle de la Révolution. Immédiatement, l’Iran fit trembler les intérêts du Royaume-Uni et des États-Unis dans tous les pays musulmans. Les Occidentaux ne voulurent retenir que le côté rigide et contraignant de ce changement sur la vie des Iraniens.

Les Anglo-Saxons tentèrent d’écraser le mouvement avant qu’il ne contamine la région. Ils encouragèrent l’Arabie saoudite sunnite à attaquer religieusement l’Iran chiite et l’Irak à l’attaquer militairement. Cependant, une fois la guerre déclarée, ils la firent durer le plus longtemps possible, de manière à affaiblir également leur allié irakien. Ce conflit de huit ans fit plus d’un million de victimes. Au cours de la dernière année, l’Irak tira des missiles sur des villes iraniennes provoquant de très lourds dommages. L’Iran riposta identiquement, tuant à son tour de nombreux Irakiens. L’ayatollah Khomeiny intervint alors. Il décréta que les armes de destruction massive étaient contraires à sa vision de l’islam. Les Forces iraniennes cessèrent donc d’en faire usage – ce qui prolongea la guerre et accrut le nombre de martyrs – et stoppèrent définitivement leurs recherches militaires en matière chimique, biologique et nucléaire. Ils ne les reprirent jamais.

Selon l’imam Khomeiny, dans l’expression «  République islamique  », il faut concevoir le mot «  République  » au sens que lui donnait Platon – qu’il n’a cessé d’enseigner toute sa vie. Par conséquent, ce régime est placé sous l’autorité suprême d’un sage vertueux, le Guide de la Révolution – lui-même, en l’occurrence. Le mot «  islamique  » doit être compris aussi bien comme «  musulman  » que comme «  luttant pour la Justice  ». Et dans cette optique, même sans être disciple de Mahomet, celui qui applique ce principe suit l’exemple des martyrs Ali et Hussein. Il est musulman et sert Dieu.

À la mort de l’ayatollah Khomeiny, le haut clergé qui, par le passé l’avait excommunié et continuait à le haïr tout en prétendant s’être rallié à lui du fait de son immense soutien populaire, tenta de reprendre la situation à son avantage. Il s’en suivit une quinzaine d’années durant lesquelles l’Iran pansa ses plaies et ne joua guère de rôle sur la scène internationale. Mais, en 2005, un des disciples de Khomeiny, Mahmoud Ahmadinejad est élu Président et relance la Révolution. Il place son pays au service de tous les mouvements révolutionnaires de la région, notamment ceux qui combattent la colonie juive installée par les Anglo-Saxons en Palestine. Pour lui, le fait qu’elle se soit autoproclamée indépendante en 1948, comme le fit la Rhodésie en 1965, ne modifie pas son caractère colonial, et il soutient aussi bien l’OLP laïque, le Hamas sunnite que le Hezbollah chiite.

Durant ses deux mandats, il se lie d’amitié avec ses homologues vénézuélien et syrien, Hugo Chávez Frías et Bachar el-Assad, et avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et Israël réagissent en organisant une longue campagne de propagande contre lui, dont le premier épisode est la traduction mensongère d’un de ses discours. Reuters lui fait dire qu’il souhaite «  rayer Israël de la carte  », ce qui est évidemment contraire à la fois à ses propos et à sa pensée [4]. Puis, ces trois puissances accusent l’Iran de poursuivre des recherches nucléaires pour réaliser l’objectif qu’elles lui attribuent. C’est évidemment stupide au regard de la fatwa de l’ayatollah Khomeiny et de l’histoire du pays. Pourtant durant dix ans, les Occidentaux ne cesseront de dénoncer une imaginaire «  menace nucléaire militaire iranienne  ».

Faisant face au pire blocus jamais instauré à l’ère moderne contre un État, Ahmadinejad industrialise à grands pas son pays dont l’économie était jusque-là exclusivement basée sur la rente pétrolière. Simultanément, il passe un accord avec l’Émirat de Dubaï dont le port sert à contourner les sanctions internationales et connaît une insolente croissance.

Après leurs échecs successifs à déclencher une guerre ouverte et une révolution colorée, les États-Unis tentent une nouvelle approche. Dans les derniers mois de la présidence Ahmadinejad, le Guide de la Révolution et successeur de Khomeiny, l’ayatollah Ali Khamenei, autorise des contacts avec les USA. Des négociations secrètes débutent à Oman, en mars 2013. La délégation états-unienne est conduite par le secrétaire d’État adjoint William Burns et Jake Sullivan, le conseiller de Sécurité nationale du Vice-président. La négociatrice pour les questions nucléaires, Wendy Sherman, participe à la dernière réunion. Cependant, on ignore la composition de la délégation iranienne. Durant ces négociations, le Guide de la Révolution demande à tous d’interrompre toute action pouvant être perçue comme une provocation par Washington. On m’informe ainsi que le projet que j’ai pris en charge est suspendu. Il ne sera jamais effectué.

De retour à Washington, la délégation US rapporte au Président Obama que le candidat d’Ahmadinejad à l’élection présidentielle sera écarté et que leur allié, le cheikh Hassan Rohani sera élu. Effectivement, le directeur de cabinet du Président sortant, Esfandiar Rahim Mashaei, est accusé de ne pas être un vrai musulman et est écarté de la course à la présidence. Rohani est élu pour la plus grande joie d’Elliot Abrams, l’homme de l’affaire Iran-Contras de Reagan, du programme de démocratisation du monde de Bush Jr et de la révolution colorée d’Obama.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, l’ayatollah Khamenei autorise le nouveau Président à négocier la levée des sanctions avec Washington. L’annonce de ces pourparlers officiels sème la panique en Israël et en Arabie saoudite. Un accord provisoire est signé le 24 novembre 2013. Puis, durant un an et demi, les deux parties négocient secrètement la manière dont elles se partageront le Proche-Orient. L’ambition du Président Rohani est de reprendre le rôle de gendarme régional que Washington avait confié jadis au Shah Reza Pahlevi. En outre, il négocie avec le Président autrichien Hans Fisher le raccordement de l’Iran au pipeline Nabucco. De la sorte, les Européens pourront consommer du gaz iranien à la place du russe. C’est un énorme contrat de 8,5 milliards de dollars, qui génère de nombreux dessous-de-table.

L’accord final sur le programme nucléaire militaire – qui n’existe plus depuis 26 ans – est officiellement signé le 14 juillet 2015. Il est désastreux pour l’Iran qui doit démanteler son enseignement universitaire en physique nucléaire et une partie de ses installations civiles. Les recherches promues par l’ingénieur Ahmadinejad sur la fusion nucléaire, qui auraient pu permettre de résoudre les problèmes énergétiques mondiaux, sont stoppées nettes. Peu importe, l’événement est salué par une foule en liesse à Téhéran et à Ispahan où l’on attend la levée des sanctions qui étouffent le pays. Elle n’aura jamais lieu. Dans un premier temps, Washington organise devant ses propres tribunaux un procès contre Téhéran qu’il accuse d’avoir organisé les attentats du 11-Septembre – alors même qu’il persiste à en rendre simultanément responsable Al-Qaïda. À titre conservatoire, en attendant l’issue du procès qui traîne en longueur, un juge empêche le déblocage des 150 milliards de dollars d’avoirs iraniens gelés par les Occidentaux. Dans un second temps, le département d’État prend prétexte d’essais de missiles par l’armée iranienne pour prolonger les sanctions. Il s’appuie sur une résolution des Nations Unies qui visait à interdire la construction de missiles… à ogives nucléaires, alors même que l’accord signé défend à l’Iran de poursuivre un tel programme pour dix ans.

En définitive, si le clan Rohani trouve certainement des avantages personnels à cet accord, le peuple iranien est floué.

En janvier 2018, des manifestations contre la vie chère surviennent dans le Khorassan, c’est-à-dire à la frontière afghane. Dans un premier temps, la police fraternise avec les paysans. Les protestations s’étendent vite au tiers du pays et prennent une tournure anti-gouvernementale. Une dure répression s’abat sur le peuple. Persuadés que la « révolution colorée » de 2009 reprend, l’Occident apporte son soutien inconditionnel aux manifestants. Pourtant, à la différence de 2009, ce sont les campagnes qui conspuent les bourgeois de Téhéran et d’Ispahan. En définitive, le président Rohani fait assigner à résidence son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad. La presse occidentale ne relaye pas l’information et change de sujet.

Dans l’imaginaire occidental, l’Iran est un ennemi absolu. Pourtant, ce sont les hommes du clan Rafsandjani qui ont participé aux côtés d’Israël à l’opération Iran-Contras contre les Révolutionnaires d’Amérique centrale, ce sont encore eux qui ont envoyé les Gardiens de la Révolution mourir aux côtés des États-Unis et de l’Arabie saoudite en Bosnie-Herzégovine, et ce sont encore eux qui gèrent secrètement avec l’État israélien la société EAPC, c’est-à-dire le piple-line Eliat-Ashkelon [5].

53— LE TANDEM ISRAÉLO-SAOUDIEN

Washington joue sur les rivalités de pouvoir en Iran tout en contrôlant la manière dont Téhéran et Tel Aviv devraient superviser les Arabes pour son compte  ; une situation d’autant plus improbable que durant près de 70 ans, les Arabes, puis les Iraniens ont refusé de parler ouvertement aux Israéliens tant qu’ils ne reconnaîtraient pas les droits inaliénables des Palestiniens et que, depuis 1978, Iraniens et Israéliens se défient.

Israël est une colonie créée conjointement par le Premier ministre britannique David Lloyd George et le Président états-unien Woodrow Wilson, en 1917, dans le sillage des accords Sykes-Picot-Sazonov. Alors qu’elle allait être reconnue par la communauté internationale, cette colonie a fait sécession du Royaume-Uni et s’est autoproclamée indépendante, en 1948. Les pays arabes et musulmans tentèrent de s’y opposer, mais ne disposant pas encore d’armées, ils furent aisément repoussés.

David Ben Gourion, le commandant en chef de l’armée juive (Tsahal), et les pères fondateurs d’Israël terrorisèrent et expulsèrent une large majorité de la population autochtone qui n’a jamais oublié la Nakba (« la catastrophe »). Se concevant comme une colonie juive européenne dans un océan arabe hostile, ils imaginèrent une politique de Défense fondée sur la création de zones neutres à leur frontière, mais en territoire «  ennemi  », de manière à «  approfondir  » stratégiquement leur propre territoire. En politique étrangère, ils adoptèrent la «  doctrine de la périphérie  » selon laquelle ils devaient unifier les acteurs non arabes de la région (Iran, Turquie, Éthiopie) contre les pays arabes. En outre, ils cherchèrent à conclure de nouvelles alliances, ce qui, faute de mieux, les conduisit successivement à se rapprocher de la France coloniale (lors de la guerre d’Algérie), puis de l’Afrique du Sud de l’Apartheid.

Avec le développement de la technique des missiles, il s’est avéré inutile d’occuper des zones tampons chez ses voisins (le Sinaï égyptien, le sud du Liban et le Golan syrien). Après avoir fait la paix avec l’Égypte, Israël s’est donc retiré du Liban, en 2000 (sauf les fermes de Chebaa), mais pas de Syrie. En effet, le plateau du Golan, outre un réservoir d’eau, est aussi un promontoire stratégique. Simultanément, Israël a promu la création de deux nouveaux États lui permettant de prendre en tenaille ses deux puissants voisins que sont la Syrie et l’Égypte  : en 2003, il a aidé à créer le Kurdistan irakien autour de la famille Barzani qui travaillait pour le Mossad depuis la Guerre froide  ; en 2011, il a aidé à créer le Soudan du Sud.

Progressivement, Israël, c’est-à-dire l’État de l’armée juive, acquiert un savoir-faire militaire parfois loué au plus offrant, parfois mis au service de ses parents anglo-saxons. Il reçoit la technologie nucléaire franco-états-unienne durant les années 1950 et expérimente la bombe atomique dans le désert d’Afrique du Sud [6]. Il développe un arsenal chimique et biologique, allant jusqu’à mener des recherches – qui évidemment ne sauraient aboutir – sur des armes sélectives ne tuant que les Noirs et les Arabes (programme du Dr Wouter Basson) [7]. Il est probablement le seul État au monde à n’être ni signataire de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques, ni du Traité de non-prolifération nucléaire. Il abrite l’arsenal des États-Unis au Proche-Orient (sites 51, 53, 54, 55 & 56) et participe à de nombreuses opérations US, non seulement dans la région, mais dans le monde. Par exemple, dans la période la plus récente, Israël a pris en charge la sécurité des Jeux olympiques de Rio (2016). L’État hébreu coordonne ainsi tous les services de sécurité du pays et peut dès lors encadrer les manifestations contre la Présidente Dilma Rousseff. Le Parlement la destitue dans un déploiement de drapeaux israéliens et Michel Temer, d’origine libanaise, lui succède.

Au cours des dernières années, une fracture est apparue dans le monde arabe entre les monarchies et les républiques, les familles régnantes apparaissant de plus en plus illégitimes compte tenu de la différence entre leur niveau de vie et celui de leurs peuples. Israël a donc abandonné la «  doctrine de la périphérie  » pour se rapprocher de la plus puissante monarchie arabe, l’Arabie saoudite. Pas à pas, elle l’a sollicitée face à leur adversaire commun, l’Iran. Riyad a ainsi financé l’agression israélienne contre la faction du Hamas qui était dépendante de Téhéran, à Noël 2008 (opération « Plomb durci »)  ; une opération supervisée par l’OTAN en vertu de l’accord de coopération signé le 2 décembre 2008.

Une étape décisive fut franchie, en novembre 2013, lors de l’élection du nouveau Président iranien et des révélations sur les négociations secrètes qu’il avait conduites avec Washington depuis six mois déjà. Il y avait urgence  : Téhéran postulait à redevenir le «  gendarme du Moyen-Orient  ».

Le «  gouvernement de continuité  » états-unien – via Jeffrey Feltman à l’ONU – organisa une réunion des ministres des Affaires étrangères de 29 des 57 États de l’Organisation de la coopération islamique à Abou Dhabi. Il fut représenté par le Norvégien Terje Rød-Larsen et l’administration Obama par l’ambassadeur Martin Indyk (proche du Qatar). Le Président israélien, Shimon Peres, s’adressa longuement aux participants par vidéoconférence et fut applaudi [8]. Le conflit israélo-arabe, vieux de 65 ans, venait de se terminer, abandonnant les Palestiniens à leur sort.

Des négociations commencèrent alors, non plus pour rapprocher Tel Aviv et Riyad – c’était fait –, mais pour élaborer une stratégie commune. Des délégations à très haut niveau se rencontrèrent cinq fois en Inde, en Italie et en Tchéquie. Côté israélien, elles étaient conduites par Dore Gold, le directeur central du ministère des Affaires étrangères, et côté saoudien par le général Anwar Eshki, l’ancien assistant du prince Bandar Ben Sultan. Un accord fut conclu [9]. Il prévoyait  :

Au plan politique de  : 
  «  démocratiser  » les États du Golfe, c’est-à-dire d’associer les peuples à la gestion de leurs pays tout en affirmant l’intangibilité de la monarchie et du mode de vie wahhabite  ; 
  changer le système politique en Iran (et non plus faire la guerre à l’Iran)  ; 
  créer un Kurdistan indépendant sur la base de l’actuel Kurdistan irakien augmenté d’un Kurdistan syrien à créer, de manière à affaiblir l’Iran, la Turquie et l’Irak.

Au plan économique  : 
  d’exploiter le champ pétrolier de Rub’Al-Khali et d’organiser une fédération entre l’Arabie saoudite, le Yémen, voire Oman et les Émirats arabes unis  ; 
  d’exploiter les champs pétroliers de l’Ogaden, sous contrôle éthiopien, de sécuriser le port d’Aden au Yémen, et de construire un pont reliant Djibouti au Yémen.

Dans ces conditions, la Doctrine de Sécurité nationale du Président Obama, publiée le 6 février 2015, précise  : «  Une stabilité à long terme [au Moyen-Orient et en Afrique du Nord] requiert plus que l’usage et la présence de Forces militaires états-uniennes. Elle exige des partenaires qui soient capables de se défendre par eux-mêmes. C’est pourquoi nous investissons dans la capacité d’Israël, de la Jordanie et de nos partenaires du Golfe à décourager une agression tout en maintenant notre engagement indéfectible à la sécurité d’Israël, y compris par son avance militaire qualitative  » [10].

Ainsi la stratégie du Pentagone consiste à créer une version moderne du Pacte de Bagdad  : un OTAN arabe.

De la sorte, il pourra retirer ses forces militaires du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et les repositionner en Extrême-Orient (le «  pivot  » contre la Chine).
Dans sa vision, le Pentagone envisage qu’une «  Force arabe de Défense commune  » soit constituée d’États du Golfe et de la Jordanie et qu’elle soit placée sous commandement israélien. Si l’on reprend l’exemple du Pacte de Bagdad, on se souviendra qu’il avait été constitué par le Royaume-Uni avec ses anciennes colonies. Cependant, au bout de trois ans, son état-major fut placé sous commandement du Pentagone, bien que les États-Unis n’aient jamais adhéré au Pacte.

Selon l’institut Sipri de Stockholm, l’Arabie saoudite se serait préparée à créer cette «  Force arabe de Défense commune  » en augmentant son budget militaire en 2014 de 13 milliards de dollars (+17 %). Pour impliquer l’Égypte, qui était réticente, le Conseil de coopération du Golfe lui offre 12 milliards de dollars pour des projets d’investissement. En définitive, la Ligue arabe annonce la création de la Force, lors de son sommet de Charm el-Cheikh, le 1er avril 2015.

Officiellement, il s’agit d’appliquer avec soixante-cinq ans de retard le Traité de Défense arabe de 1950 pour lutter contre le terrorisme.

En application de l’accord israélo-saoudien et compte tenu du refus yéménite de partager avec les Saoudiens le champ pétrolier de Rub’Al-Khali, un état-major commun israélo-arabe est créé au Somaliland pour attaquer le Yémen.

Le Somaliland, qui proclama son Indépendance en 1960, puis fut rattaché à la Somalie à la suite d’un coup d’État en 1969, déclara une seconde fois son Indépendance en 1991 avant d’être réintégré à nouveau à la Somalie en 1994. Finalement, il proclama une troisième fois son Indépendance en 2002. Lors de ses deux premières Indépendances, Israël fut le premier État à le reconnaître. Aucun État ne le reconnaît aujourd’hui, mais depuis 2010, c’est une base israélienne pour contrôler le détroit de Bab el-Mandeb qui relie le canal de Suez et la mer Rouge au Golfe d’Aden et à l’océan Indien.

Bien que Tel Aviv et Riyad conduisent ensemble la guerre contre le Yémen, leurs relations diplomatiques ne sont toujours pas officiellement établies. Le prince Walid Ben Talal (5e fortune mondiale avec Citigroup, Mövenpick, Four Seasons) sera le premier ambassadeur saoudien officieux à Tel Aviv. Il assure par ailleurs, depuis les années 1980, le financement des chaînes de télévision des Frères musulmans. En attendant, les relations diplomatiques entre le Conseil de coopération du Golfe et Israël sont assurées depuis Abou Dhabi où Dore Gold est venu installer une représentation officielle de l’État hébreu auprès de l’International Renewable Energy Agency (Agence internationale de l’énergie renouvelable - Irena). On ne peut guère se tromper  : Israël est le seul et unique État disposant d’une représentation permanente auprès de cette minuscule agence onusienne.

En mai 2015, l’Arabie saoudite fait usage de plusieurs bombes atomiques tactiques au Yémen [11]. Elles ont probablement été achetées à Israël, à titre privé, par la famille royale – rappelons que l’Arabie saoudite, comme jadis le Congo du roi Léopold II, est la propriété privée de la famille des Séoud. Ce transfert d’armes irrite l’administration Obama, et particulièrement le secrétaire d’État John Kerry qui rappelle l’Arabie au respect du Traité de non-prolifération.

Malheureusement, cet achat ne viole pas le Traité qui ne prévoit pas la possibilité d’un marché privé de ce type d’armement. Et la vente par Israël ne le viole pas non plus car l’État hébreu n’en est pas signataire.

Quoi qu’il en soit, l’équilibre stratégique régional est bouleversé. Alors que l’on persiste à accuser l’Iran de vouloir reprendre les recherches sur l’atome, une seconde puissance nucléaire vient de surgir. En réalité, les bombes nucléaires tactiques étant beaucoup plus difficiles à maintenir que les bombes stratégiques et les Saoudiens n’ayant pas le personnel scientifique adéquat, l’Arabie reste dépendante des ingénieurs israéliens et ne peut donc envisager d’utiliser ces armes contre Tel Aviv.

Contrairement à ses déclarations publiques, non seulement Washington ne réprouve pas l’acquisition de la bombe par les Séoud, mais il autorise Israël à disposer d’un bureau permanent à l’OTAN – à côté de celui de la Turquie –, le 4 mai 2016.

Toujours en 2016, l’Arabie saoudite et l’Égypte imaginent un plan qui permette à Riyad d’accepter avec retard les accords de paix de Camp David – qu’Anouar el-Sadate et Menahem Begin avaient conclus au détriment des Palestiniens. Le Caire annonce restituer à Riyad les îles de Tiran et de Sanafir (dans le bras de la mer Rouge qui sépare le Sinaï de l’Arabie). Avec aplomb, l’administration égyptienne affirme que ces territoires sont historiquement saoudiens et qu’il les avaient jadis prêtées. En réalité, ces îles sont égyptiennes depuis la Convention de Londres de 1840. Quoi qu’il en soit, en les acceptant, l’Arabie devait s’engager à respecter la libre circulation des navires israéliens dans ce bras de mer, telle que fixée à Camp David, donc à reconnaître les dits accords, et à nouer des relations diplomatiques avec Tel Aviv. Toutefois, les nationalistes égyptiens – probablement soutenus en sous-main par le Président Al-Sissi – s’opposent à cette cession qui est retardée durant des mois par un tribunal.

En 2017, le président Donald Trump charge son gendre, Jared Kushner, de réformer l’Arabie saoudite et de résoudre le conflit israélo-palestinien. Le jeune homme dispose d’une latitude totale et ne rend pas de comptes au secrétaire d’État qui ignore tout de ses initiatives. Contrairement aux règles de la diplomatie US, aucun compte-rendu de ses négociations n’est établi.

Il parvient à convaincre le roi Salmane que Washington soutiendra l’abandon de la succession adelphique (c‘est-à-dire de frère à frère) au profit de la succession filiale. L’administration Trump aidera son fils chéri, le prince Mohammed Ben Salamne (MBS), à accéder au trône si Riyad accepte de cesser son soutien aux Frères musulmans.

Le 22 mai, Donald Trump vient à Riyad rencontrer les chefs d’État et de gouvernement du monde musulman. Il exige d’eux qu’ils cessent tout soutien aux terroristes. Seuls le Qatar refuse. La Turquie et l’Iran de cheikh Rohani, qui étaient absents de la réunion, se liguent avec Doha. Immédiatement l’Arabie saoudite et ses alliés tentent d’étouffer le Qatar en fermant leurs frontières et en interdisant leur espace aérien et maritimes aux avions et bateaux venant ou allant vers ce petit État.

Le 4 novembre, le roi Salmane organise un coup de palais [12]. Il fait arrêter par les mercenaires US d’Academi, 1 300 princes et personnalités des autres clans et exige de chacun d’eux qu’il donne l’essentiel de sa fortune au royaume. En trois jours, 800 milliards de dollars sont récoltés. Les finances du royaume, déficitaires depuis la baisse du prix du pétrole, sont subitement à nouveau très largement excédentaires. En Occident, où l’on observe stupéfait la disparition d’une grande partie des hommes les plus riches de la planète, nul ne proteste lorsque ces vieillards sont assassinés ou pendus par les pieds et torturés jusqu’à ce qu’ils révèlent leurs coordonnées bancaires. Au contraire, la presse célèbre les mérites supposés de MBS, le nouvel homme fort du pays.

Au passage, le coup de palais suppose l’arrestation du Premier ministre libanais, Saad Hariri. Présenté comme le fils biologique de Rafic Hariri, c’est en réalité un bâtard du clan Fadh, qui à ce titre doit être soumis au même traitement que ses demi-frères biologiques. Cependant au Liban, son adversaire politique sayyed Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, dénonce la séquestration d’Hariri et l’ingérence saoudienne dans la vie politique libanaise. Saad Hariri ayant la triple nationalité franco-libano-saoudienne, le président français Emmanuel Macron exige sa libération. Il se fait éconduire [13]. Le président libanais Michel Aoun refuse d’enregistrer la démission de son Premier ministre annoncée depuis Riyad et exige son retour à Beyrouth. Considérant que certes, l’immunité diplomatique ne peut s’appliquer dans un de ses pays à un multi-national, mais qu’arrêter un Premier ministre en fonction est un acte de guerre, il prépare une saisine du Tribunal arbitral des Nations Unies et du Conseil de sécurité. MBS plie et Saad Hariri est libéré. Cet épisode renverse les alliances au Liban, le Courant du Futur des Hariri s’éloigne de l’Arabie saoudite et se rapproche à la fois du Hezbollah et du Courant patriotique libre du président Aoun.

Simultanément, Jared Kushner tente de solder la question palestinienne. Il constate que les Palestiniens n’ont plus de leaders pour poursuivre leur combat : l’OLP s’est discréditée en tentant successivement de créer un État palestinien en Jordanie, au Liban et en Tunisie ; le Hamas s’est également discrédité en participant ouvertement à la guerre contre la Syrie et en menant des opérations aux côtés d’Al-Qaïda et du Mossad ; seul le FPLP peut encore revendiquer une Palestine égalitaire entre juifs et arabes, mais il a peu d’audience. Kushner envisage donc de stopper le grignotage quotidien du territoire palestinien par Israël et de reconnaître enfin des frontières à l’État hébreu. Il propose de se baser sur la réalité du partage actuel du territoire. Le président Trump annonce que « Jérusalem » (Ouest ou en totalité ?) est la capitale d’Israël et se prépare à annoncer que seul le quartier d’Abou Dis restant habité par les Palestiniens à Jérusalem-Est peut devenir la campitale de la Palestine. C’est une levée mondiale de boucliers. L’ambassadrice US au Conseil de sécurité doit utiliser son veto pour empêcher une condamnation de son pays, mais l’Assemblée générale de l’Onu se prononce contre la déclaration du président Trump. La guerre continuera donc. Humiliés, les États-Unis coupent une partie de leur aide financière à l’UNRWA, l’agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens.

(À suivre …)

Thierry Meyssan

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