76 ans après la capitulation allemande, Paris commémore honteusement sa Libération et Moscou fête glorieusement sa Victoire
Lorsque je vivais en Israël, il m’arrivait de ramener avec moi, pour des vacances parisiennes, des amis israéliens. Aussitôt débarquée sur le sol français, une de ces amies s’est mise à critiquer, en mode sarcastique, à peu près tout ce qu’elle voyait. Je suis habituellement d’autant moins chauvine que je n’aime pas du tout ce qu’est devenue notre France depuis les années 1970/80, sous la gouvernance d’élites compradores, mais, là, je me suis énervée : Quel toupet ! Elle vient d’un pays qui s’est bâti sur des terres volées au peuple palestinien, peuple que son armée génocide allègrement à petit feu, et elle se permet de me donner des leçons en prenant des airs supérieurs !
Ce 9 mai 20211, en regardant, sur RT France, le défilé de la 76ème cérémonie du Jour de la Victoire, qui célèbre la fin de la Grande guerre patriotique, ainsi que les Russes appellent la 2ème guerre mondiale, je me disais que Vladimir Poutine devait penser à peu près la même chose de ses homologues occidentaux.
Récemment encore, Macron, le président fantoche d’une république bananière dont la police attaque et mutile les Gilets jaunes pour les empêcher de manifester, a téléphoné à Vladimir Poutine pour lui exprimer « son inquiétude face à l’état de santé d’Alexeï Navalny », « marquer le soutien de la France à ses partenaires européens suite à la série d’expulsions de diplomates européens par la Russie » et lui demander de retirer « ses troupes massées depuis des semaines près de l’Ukraine ». Tout est fake dans ce qu’a dit Macron : 1. Navalny est un personnage peu recommandable, qui est mal connu et peu apprécié des Russes ; 2. C’est l’Ouest qui a commencé à imposer des sanctions à la Russie et à rappeler ses diplomates. Poutine ne fait que rétorquer ; 3. Les troupes russes sont massées en Russie, ce qui est leur droit, tandis que les troupes massées en Ukraine sont celles de l’OTAN !
Poutine sait pertinemment, comme tous ceux qui n’écoutent plus les médias de propagande occidentaux, que les trois mises en garde que se permet l’outrecuidant pantin Macron, sont toutes les trois des affaires montées de toute pièce, ou en tout cas manipulées, dans le seul but de le diaboliser, lui, Poutine, pour des motifs qui tiennent plus à l’idéologie qu’à la politique. Comme l’explique Gilles Rémy, un Français qui a monté une entreprise à Moscou, les dirigeants du camp mondialiste détestent les pays souverainistes comme la Russie, qui sont un mauvais exemple pour leurs populations qu’ils ont déjà bien du mal à contrôler.
Mais comme Poutine est d’une exquise politesse et qu’il a compris depuis longtemps qu’il ne servait à rien d’essayer de discuter rationnellement avec les extrémistes de l’économie de marché prêts à vendre leurs pays au plus offrant, il a attendu patiemment les célébrations de la Victoire de la Russie pour répondre à notre Néron national (Néron riait en voyant Rome bruler, vous vous souvenez ?) : « L’histoire nous oblige à tirer les leçons, mais tous ne sont pas prêts à le faire, et on voit cette résurgence de cette idéologie nazie2 et cette réécriture de l’histoire qui fait l’impasse sur des millions de morts ».
27 millions de morts, 13 millions de soldats et 14 millions de civils, voilà le prix que l’URSS a payé pour vaincre l’agresseur allemand. Car contrairement à ce qu’on nous raconte à l’Ouest, ce ne sont pas les « Américains » qui ont gagné la 2ème guerre mondiale, c’est la Russie, et de justesse : l’armée rouge a encore perdu 300 000 hommes dans la bataille de Berlin (16 avril – 2 mai 1945) nous rappelle l’historien Edouard Husson.
J’ai regardé, par curiosité, la cérémonie du 8 mai devant l’Arc de triomphe de Paris, puis la cérémonie du 9 mai sur la place Rouge de Moscou. Je ne l’ai pas regretté, ce fut riche d’enseignement.
La cérémonie du 8 mai à Paris
Cette commémoration n’a été qu’une triste mascarade, c’est le cas de le dire. Après avoir remonté les Champs–Élysées déserts dans une voiture flanquée de 7 motards, le président des riches, affublé d’un masque ridicule, est descendu à l’Arc de Triomphe et a salué, avec la désinvolture qu’on lui connait, les quelques copains qui l’attendaient là. On aurait dit qu’ils se retrouvaient pour aller prendre un drink dans un club privé. Il a souhaité un bon anniversaire à sa ministre des Armées et demandé au chef d’État-major, le Général Lecointre, comment il allait, avant de lui passer familièrement la main dans le dos. Ce général est un arriviste médiocre qui a succédé au général de Villiers limogé par Macron pour avoir osé se plaindre du budget de l’armée. Il vient de renvoyer l’ascenseur à son bienfaiteur en s’engageant à faire passer, devant un conseil militaire, les 18 signataires encore en activité de la tribune des généraux qui défraie la chronique. Sa lâcheté et sa veulerie lui sont d’ailleurs revenues en pleine figure sous la forme d’une nouvelle tribune, anonyme cette fois, de jeunes militaires apportant leur soutien à leurs « aînés » et mettant en garde contre le risque de « guerre civile ». Forcés de parcourir la France à pied avec l’opération Sentinelle, ils ont pris conscience de la gravité de la situation.
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas d’accord avec les présupposés de cette tribune. Certes, je souffre moi aussi de la détérioration de la sécurité quotidienne en France. Après sa mort, la maison de ma mère en province a été cambriolée et vandalisée deux fois. Les gendarmes m’ont dit : « Ma pauv’dame on a tellement peu de personnel que tout ce qu’on peut faire, c’est un constat pour l’assurance ». Les paysans de la région voient leur bétail, leurs récoltes et leur matériel agricole s’envoler, dans l’indifférence générale. À Paris, j’ai pris le parti de porter un sac à dos comme leurre, mon argent est caché ailleurs. Et je fais bien car mon sac est régulièrement ouvert dans la rue ou le métro, où d’ailleurs la surveillance humaine a été remplacée par des caméras inutiles et des annonces défaitistes en toutes les langues pour vous prévenir qu’il y a des pickpockets. Autrement dit, débrouillez-vous tout seuls avec les malfrats, sauf si vous êtes riche et célèbre, là, bien sûr, la police vous aidera…
Oui, l’insécurité augmente et c’est folie de le nier, mais ce n’est certainement pas, comme le prétendent les militaires, de la faute du « communautarisme ». Dommage que Mélenchon n’ait pas pris une position plus équilibrée et profité de l’occasion pour souligner les véritables causes du délitement de la France, de l’abandon des populations, des injustices et des inégalités dont elles souffrent, à savoir le néolibéralisme et l’impérialisme incarnés par la trilogie US/UE/Macron, dans l’ordre hiérarchique, plutôt que d’accuser les militaires de vouloir faire un putsch, ce qui fait rigoler tout le monde. En s’alignant sur la position de Macron comme il l’a fait plus ou moins pour le Covid, il s’est aliéné encore plus le petit peuple qui n’en peut plus de voir se dégrader son quotidien sans pouvoir rien y faire. En s’indignant, sans nuance, contre les militaires, Mélenchon jette les plus démunis dans les bras de Marine le Pen. À mon sens, c’est une erreur politique.
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos chacals. Après s’être bien congratulé, tout ce petit monde, en faisant semblant de discuter avec naturel comme des figurants de cinéma, est allé rejoindre quelques autres figurants : les deux présidents précédents, les présidents des deux chambres et la maire de Paris. Tous évidemment affublés du même masque grotesque, afin de montrer que si, si, il y a bien une épidémie et que si, si, c’est bien pour ça, et non par peur d’être hué, que Macron a interdit aux Français d’assister à la commémoration de la libération de la France. Une libération que la France doit aux Russes et à de Gaulle, et pas du tout aux Américains qui sont juste arrivés à temps pour s’attribuer le mérite de la victoire et tenter d’asservir l’Europe, ce qu’ils ont finalement réussi à faire grâce à l’Union européenne.
Macron a fait semblant de déposer la gerbe, puis il a fait semblant de ranimer la flamme du soldat inconnu, puis il a fait semblant de chanter la Marseillaise, puis il est retourné papoter avec ses copains-coquins… Et voilà ! Ça ne pouvait pas être plus bâclé, plus minimaliste !
Remarquez, Giscard d’Estaing avait fait pire encore, comme le rappelle le politologue François Costantini. Il avait carrément supprimé la commémoration. Pourquoi ? Pour ne pas déplaire à l’Allemagne, comme il l’a dit lui-même. Mitterrand a rétabli la commémoration mais, depuis, c’est du bout des lèvres, en catimini, en cachette, honteusement, qu’on fête la libération de la France, qui de toute façon n’existera bientôt plus, ainsi qu’en ont décidé nos élites mondialisées, au service de l’Allemagne, de l’UE et des États-Unis.
La 76ème cérémonie du Jour de la Victoire de la Grande guerre patriotique
En Russie, c’est tout le contraire. L’ambiance est à l’exaltation ce 9 mai, une exaltation très communicative. Ici, on a affaire à des véritables êtres humains et personne ou presque ne porte le masque. La vie a repris son cours normal depuis février. Une seule concession à l’épidémie : il n’y a pas de défilé du Régiment immortel, le régiment du peuple, de tout le peuple russe, qui défile d’habitude avec les portraits de ses disparus pendant la Grande Guerre patriotique, car aucune famille n’a été épargnée. Malgré cette absence, la fierté, la noblesse, la générosité de cœur des Russes est palpable. En dépit du froid, de la pluie et du vent, les soldats, tous très jeunes, sourient comme des enfants heureux en passant devant la tribune où siègent Poutine et les vétérans, gelés mais impassibles.
Il ne s’agit pas uniquement d’un spectacle, d’une cérémonie officielle. Cette fête, cette commémoration, tous la vivent avec beaucoup d’émotion. Les militaires comme les civils. Toutes les générations sont unies dans le souvenir de la guerre et des sacrifices consentis. On s’envoie des cartes, on se regroupe, on va ensemble aux célébrations, au cimetière, on se retrouve autour d’un repas de famille et on admire tous ensemble le feu d’artifice qui couronne la journée de fête. Ici, on ne fait pas semblant. Tout le monde, jeunes et vieux, communie dans le souvenir de cette Victoire obtenue au prix du plus grand sacrifice qu’un peuple ait probablement jamais fait pour sa liberté, selon Gilles Rémy.
L’armée non plus ne fait pas semblant. Comme nous l’apprend le Journal of strategic studies « La Russie a réussi à suivre une voie cohérente de développement de missiles depuis les années 1980, faisant du pays un leader mondial dans deux technologies 4IR de pointe : les véhicules hypersoniques à accélération glissante et les missiles de croisière hypersoniques ». Et pendant que les soldats et les armes défilent, il nous est précisé, à plusieurs reprises, que les armes que nous voyons sont les plus performantes du monde. C’est-à-dire, plus performantes que les armes étasuniennes. Comme le souligne Gilles Rémy, il s’agit d’un message clair à l’OTAN : « La Russie est une grande puissance. Elle est au premier plan technologique. Si vous nous attaquez, nous vous détruirons ! »
Poutine l’a dit, la Russie a tiré les leçons de l’histoire. La Russie a failli disparaître avec l’effondrement de l’URSS. Les oligarques russes et étrangers se sont disputés ses restes comme autant de vautours. C’est largement grâce à Vladimir Poutine que la Russie s’est relevée, au grand dam des États-voyous-Unis qui essaient par tous les moyens de l’affaiblir, dans l’espoir de la détruire et de la piller, selon leur bonne habitude. La Russie s’est fait avoir avec la Libye (en mars 2011, elle s’est abstenue, avec la Chine, l’Allemagne, le Brésil et l’Inde, lors du vote de la résolution autorisant la création d’une zone de non-survol et des frappes aériennes en Libye, ce qui a permis à la coalition US-FR-GB d’assassiner Kadhafi, de détruire la prospère Libye et de lui voler son or et son pétrole), mais elle a sauvé la Crimée et la Syrie qui, sans elle, aurait subi le sort de la Libye, et elle n’est pas tombée dans le piège que lui tendait l’Ouest en Ukraine, sans cesser d’aider discrètement les Républiques populaires du Donbass. Elle vient, par exemple, d’accorder la nationalité russe à tous leurs habitants, même les étrangers. Voilà le témoignage d’une Française qui en a bénéficié.
Après avoir longtemps espéré qu’il en soit autrement, la Russie a maintenant accepté l’idée que l’Ouest menait contre elle une nouvelle guerre froide. Elle a compris que son seul salut était dans la supériorité militaire, comme la Corée du nord et d’autres avant elle.
Poutine est un président populaire. 60% des Russes le soutiennent, comme est obligé de le reconnaître à contrecœur l’organe de presse atlantiste Les Échos. On nous le présente toujours comme un dictateur sans âme mais il est bien plus proche de son peuple que Macron dont la cote de popularité, probablement très gonflée, est seulement de 37%. En tout cas, Poutine s’efforce d’unir son peuple et d’élargir toujours son unité. Ainsi cette année, pour la première fois, les pavés de la Place rouge ont vu défiler des cosaques bouddhistes.
Macron, lui, a choisi de diviser pour régner. Notre apprenti Machiavel fait de son mieux pour terroriser les Français et les monter les uns contre les autres. Il instrumentalise tout ce qu’il peut pour semer la zizanie : les communautés, les religions, les sexes, les appartenances politiques, les classes sociales, les origines ethniques. Il monte les riches contre les pauvres, les travailleurs contre les chômeurs, les contribuables contre les soi-disant assistés, les Français de souche contre les immigrés, les villes contre les campagnes. Il oppose le présent au passé, la vérité officielle aux fakes news, le privé au public, la science au doute raisonnable.
Poutine ne réécrit pas l’histoire de son pays pour l’adapter aux lubies de la post-modernité ou aux intérêts de ses maîtres comme nous le faisons, d’ailleurs la Russie n’a pas de maîtres. Au contraire, selon Gilles Rémy, le grand roman national, qui sert de fondation à l’unité du pays, intègre toute l’histoire de la Russie. Les Tsars, l’URSS, la Russie moderne, tout a sa place dans le roman national. Le Jour de la Victoire, qui est la vraie fête nationale russe, célèbre ce roman national et symbolise l’unité de la Russie.
Et que pensent les Russes de la France ?
La Russie et la France étaient autrefois très proches. Les Russes admiraient la France et beaucoup de Russes parlaient Français. Encore aujourd’hui, les Russes connaissent mieux la France que les Français ne connaissent la Russie et ils se souviennent avec reconnaissance du « Normandy Niémen »3. Ils souhaiteraient entretenir de bonnes relations avec la France, affirme Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS et ancien ambassadeur à Moscou, hélas, se désole-t-il, les Français ont oublié leur histoire !
Et j’ajouterai qu’à force d’entendre les médias aux ordres des États-Unis et de l’UE répéter toute la journée avec Biden que la Russie est un « adversaire stratégique », ils finissent par le croire. C’est fort dommageable, car, comme le dit Gilles Rémy, il serait au contraire dans l’intérêt de la France d’avoir de bonnes relations avec la Russie. Ce pays, selon lui, n’est pas un concurrent économique, mais un partenaire. D’ailleurs c’est le pays où il y a le plus d’entreprises françaises. De plus ajoute Jean de Gliniasty, les États-Unis et leurs vassaux sont bien obligés de traiter avec la Russie en matière de terrorisme international, par exemple, et pour tout ce qui concerne le Moyen-Orient, où la Russie joue un rôle de plus en plus prépondérant.
Au bout du compte, les Russes sont bien déçus par la France et les Français, nous confie Gilles Rémy. Ils sont déçus par la saleté de Paris et de son métro, eux qui ont un des plus beaux métros du monde, un métro qui, de plus, a protégé des millions de Moscovites des bombardements allemands pendant la Grande Guerre patriotique. Ils sont déçus par l’hostilité des Français, qu’ils n’ont rien fait pour mériter. Ils sont déçus par la négation française de leur Victoire sur l’Allemagne nazi et par le mépris français du sacrifice de 28 millions des leurs, sacrifice auquel la France doit pourtant sa libération.
Source : Réseau International