Nicolas Sarkozy: « Tout pour la France »?
Ce « livre-programme » annonce la candidature à la présidentielle – mais au préalable à la primaire des Républicains – de celui qui avait annoncé son retrait définitif de la vie politique en 2012.
Que peut-on en retenir?
Dans son introduction, Nicolas Sarkozy prévient ses potentiels électeurs qu’il n’appliquera pas forcément tout ce qu’il écrit : « J’ai voulu fixer les priorités intangibles en indiquant les principales mesures qui devront être mises en oeuvre. Mais mon objectif n’est pas de présenter un programme de gouvernement dans ses moindres détails. L’expérience que j’ai de l’exercice du pouvoir m’incite à reconnaître le caractère souvent imprévisible des situations. Comment pourrait-on annoncer droit dans les yeux aux Français le contenu exhaustif de 5 années d’actions à venir dans un monde devenu à ce point complexe et interdépendant, soumis constamment aux secousses et aux crises ? ».
Au moins, cette fois-ci, les choses sont claires.
Puis Nicolas Sarkozy écrit : « il est temps d’engager un combat déterminé contre le multiculturalisme en lui opposant la culture du rassemblement ». . Surprenant pour un homme qui déclarait en 2008, que la France devait « relever le défi du métissage ». Il expliquait alors que « la consanguinité avait provoqué la fin des civilisations et des sociétés » et que la France « avait toujours été métissée et universelle ».
Dans le chapitre « le défi de la vérité », Nicolas Sarkozy se vante d’être le pourfendeur de la pensée unique. Pourquoi s’inquiéter ensuite « de l’émergence d’un Donald Trump » – le seul candidat aux Etats-Unis à avoir justement rompu …avec la pensée unique. Il y dénonce « les raisonnements simplistes du populisme » sans jamais argumenter contre les idées défendues par les candidats s’en revendiquant.
Dans le même chapitre, l’ancien Président de la République annonce par ailleurs une série de réformes qui seraient soumises au Parlement – s’il est élu en 2017. Parmi elles, on trouve la refonte des élections professionnelles avec la remise en cause du monopole des centrales syndicales dites représentatives et la possibilité pour quiconque de s’y présenter. « A l’été 2017, le monopole de candidature au premier tour des élections professionnelles des organisations syndicales confirmé au lendemain de la Seconde guerre mondiale sera supprimé ». Chiche ? En 2007, il considérait pourtant les grandes centrales syndicales comme les partenaires privilégiés du gouvernement.
Nicolas Sarkozy souhaite également réduire les allocations chômage : 20% au bout de douze mois et 20% au bout de 18 mois, s’inspirant des pays Scandinaves.
A propos des multiples et coûteuses « institutions indépendantes », ce dernier confesse en « avoir une allergie » car elles n’auraient pas de légitimité. Il souhaite la réduction « de toutes ces autorités qui ne sont à mes yeux que le symptôme de la démission de tant de politiques face à leurs responsabilités ». Or, il n’a jamais remis en cause lors de son quinquennat des« hautes autorités » comme la HALDE -Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité -. Il en a même créé comme Hadopi – Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et de la Protection des droits sur Internet -. Il s’est aussi vanté d’avoir obtenu « de haute lutte, la création du Conseil français du culte musulman. «
Il envisage également de réduire d’un tiers le nombre de parlementaires – sans expliquer clairement comment. Un référendum, le jour du second tour de la législative 2017, permettrait aux électeurs de trancher.
Le chapitre « le défi de l’identité » peut donner l’impression d’avoir été écrit par Marine Le Pen. Nicolas Sarkozy écrit , non sans un relent de jacobinisme : « nous sommes une communauté nationale, une et indivisible . Nous devons donc assimiler et non pas seulement intégrer, c’est à dire refuser de prendre en compte chaque différence ». Puis il évoque l’acquisition de la nationalité française. Il propose de relever à dix ans, en plus de tests précis, la condition de résidence . Il n’explique toutefois pas comment il compte obtenir la coopération des autorités juridiques et judiciaires réfractaires à cette mesure.
Sur la religion, Nicolas Sarkozy explique : « disons le tout net sans aucun esprit de polémique, ce n’est pas avec les religions que la République a aujourd’hui des difficultés, mais avec l’une d’entre elles qui n’a jamais fait le travail nécessaire autant qu’inévitable d’intégration » avant d’évoquer « 5000 prêtres expulsés de France au début du XXème siècle » (il ne précise pas qu’il ne s’agissait que des prêtres jésuites).
Toujours sur l’islam, Nicolas Sarkozy réclame que le « CFCM », c’est à dire une institution indépendante et non élue par les Français , « exige des mosquées qu’elles respectent des homélies identiques » tout en encadrant la formation des Imams. Il entend donc déléguer à une institution non élue l’organisation de l’Islam en France, et non plus à l’Etat.
L’ancien chef d’Etat souhaite par ailleurs que les contrevenantes à l’interdiction du port du voile (qu’il veut généraliser dans les écoles, universités …) se voient suspendre toute aide sociale en cas de récidive. Là encore, pas un mot sur les réformes juridiques, voires constitutionnelles, impératives pour y parvenir.
Après avoir pourfendu le multiculturalisme en introduction, Nicolas Sarkozy revient à ses propos de 2008 concernant l’immigration : « La grande problématique de notre politique d’immigration, c’est d’abord celle du nombre. Car il ne s’agit à mes yeux nullement d’une question de principe, convaincu que je suis que les civilisations meurent de la consanguinité ». Retour à la pensée unique ? Pourtant, il condamne l’instauration du regroupement familial en 1976. A l’époque, seuls Jean-Marie Le Pen et le Front national le disaient. Ils avaient mis en garde sur ses conséquences catastrophiques. L’ancien président propose de le suspendre tant qu’un accord européen sur l’immigration n’aura pas été trouvé.
Nicolas Sarkozy analyse que la démographie africaine qui explose, la crise en Syrie, les vagues migratoires sans précédent doivent être contenues pour « sauver l’Europe ». Mais aussi afin d’éviter le retour des barbelés et des « populistes les plus caricaturaux ».
L’africaniste Bernard Lugan, enseignant à l’époque à l’école de guerre, avait prédit les conséquences dramatiques de la chute de Khadafi souhaitée et orchestrée par Nicolas Sarkozy. De même, avec le limogeage d’Aymeric Chauprade , auteur d’un ouvrage géopolitique « chronique du choc des civilisations » de référence pour la compréhension du monde, Nicolas Sarkozy , alors président, a t-il oeuvré pour la protection de l’Europe? Ce dernier veut d’ailleurs relancer « L’Union pour la Méditérranée » sans en expliquer les tenants et les aboutissants. Il souhaite par ailleurs inclure Turquie et Russie, à niveau égal dans un partenariat avec l’Union Européenne.
Toujours dans ce chapitre, Nicolas Sarkozy propose de supprimer l’aide médicale d’Etat (AME). Il veut la remplacer par « une aide couvrant uniquement les urgences vitales ». C’est tout simplement ce que fait déjà l’AME – hormis pour les mineurs pris en charge à 100% – puisqu’elle ne prend pas en compte une grande partie des actes médicaux.
Dans son chapitre sur « le défi de la compétitivité », Nicolas Sarkozy fixe directement sa ligne : « la mondialisation n’est pas un choix, une alternative, une possibilité. Elle est un fait incontournable autant qu’inévitable ». La refuser serait « accepter un risque mortel ». Il décline par la suite une série de mesures, notamment la suppression de l’impôt sur la fortune, mais aussi la réforme des droits de succession.
Du côté des salaires, il propose une exonération totale de charges pour les salariés au SMIC. Au dessus, elle diminuerait pour s’annuler totalement à 1,6 fois le salaire minimum. Cela constituerait donc une incitation à embaucher certes, mais au SMIC, qui est aujourd’hui d’un montant qui permet difficilement de vivre dans la dignité.
Nicolas Sarkozy souhaite par ailleurs une loi pluriannuelle – dès 2017 -des finances publiques qui fixerait le cadre général pour la durée du quinquennat. Aucune réforme fiscale sur 5 années donc, « sauf si elle devait être favorable aux contribuables ».
Annonce surprenante par ailleurs, le souhait de déléguer aux Préfets la possibilité d’aménager les normes aux réalités du territoire dont il a la charge. L’Etat reprendrait ainsi totalement le pouvoir sur les collectivités régionales.
Dans son chapitre sur l’autorité, Nicolas Sarkozy évoque une tolérance zéro pour les débordements sur la voie publique. Il prévoit le renvoi « chez eux » des Zadistes de Notre-dame-des-Landes ainsi que la responsabilité financière des syndicats engagés en cas de dégâts. Il souhaite également rétablir les peines plancher et augmenter le quantum de la peine en fonction du nombre de condamnations. Il n’explique pas comment il contraindra les juges à appliquer la loi.
Par ailleurs, la fixation de la majorité à 16 ans en matière pénale ne devrait-elle pas être étendue à l »ensemble des règles de la vie en France, y compris pour les élections ?
Sur la politique étrangère, à aucun moment, Nicolas Sarkozy ne s’excuse de ne pas avoir mesuré les conséquences de la guerre en Libye, de l’agressivité vis à vis de Bachar El Assad en Syrie ou encore de l’adhésion à l’Otan. Pas un mot sur le Qatar non plus – intérêts financiers obligent ? A peine Nicolas Sarkozy évoque-t-il l’Arabie Saoudite, mère patrie du wahhabisme, nation fortement impliquée dans des transactions obscures avec les islamistes. Pour lui, elle doit être un partenaire car la France « n’a pas à choisir entre les sunnites et les chiites, mais doit dialoguer avec tout le monde ».
Enfin, dans les dernières pages de son ouvrage Tout pour la France, Nicolas Sarkozy explique que « dès le mois de juillet 2017, devront être définitivement adoptées ou votées toutes les réformes de baisse d’impôts, de réduction des dépenses publiques et d’assouplissement du droit du travail », sans toutefois passer par les ordonnances chères à Jean-François Copé.
Dans « le défi de la liberté », il évoque l’autonomie des universités, des hôpitaux, au nom de la compétitivité, de la diversité et de la créativité. Du côté de l’assurance maladie, Nicolas Sarkozy souhaite réformer, essentiellement en faveur des retraités et des handicapés, les contribuables des autres catégories voyant les déremboursements augmenter, ainsi que les frais médicaux.
En conclusion, énormément d’annonces de Nicolas Sarkozy dans « tout pour la France ». Toutefois, l’électeur sera en droit de se demander pourquoi tout cela n’a-t-il pas été fait en 2007 ? Pourquoi avoir menti en annonçant un retrait définitif de la vie politique ? Pourquoi reprendre au Front national une large partie des analyses faites depuis 30 ans – et même au RPR des années 90 – tout en qualifiant les représentants de ce parti d’extrémistes, de populistes, de danger ?
Nicolas Sarkozy a bel et bien lancé sa campagne pour revenir au pouvoir en France. Son livre ne manquera pas toutefois d’interroger ceux qui, notamment en 2007, furent des millions à croire en lui pour son discours « de droite décomplexée » et de « remise de la France au travail », puis virent à peine quelques mois après son élection se multiplier les ouvertures à gauche et les reniements.
Nicolas Sarkozy sera-t-il, à nouveau, l’arnaque politique de 2017 ? La question est posée.