Européennes : le loup et Loiseau

Jeudi, 16 mai, 2019 - 13:52

La tête de liste du RN Jordan Bardella n'a fait qu'une bouchée de Nathalie Loiseau lors du débat qui les opposait ce mercredi à 19 heures sur BFM TV.

 

L'aisance cathodique est son atout. Particulièrement à l'aise dans l'exercice de la joute télévisuelle, Jordan Bardella, qui a commencé sa carrière politique comme simple militant avant de gravir les échelons de son parti, n'a fait qu'une bouchée de Nathalie Loiseau lors d'un débat organisé par BFM TV. Pourtant, sur le papier, l'exercice d'équilibriste de la tête de liste du RN, qui consistait à diaboliser l'Europe tout en assurant que son parti ne voulait pas en sortir, n'était pas des plus confortables. Mais, pendant près d'une heure, l'agneau n'était paradoxalement pas le jeune homme de 23 ans, qui avait les crocs acérés du jeune loup.

En effet, sa jeunesse, son dynamisme, sa répartie sans souci de la vérité, ses images simples pour résumer ses idées – « Frontex est une hôtesse d'accueil pour migrants » – ont eu raison de la bienveillance toute macronienne et du débit presque trop flegmatique de Loiseau qui s'attachait à répondre sur le fond et à expliquer calmement, beaucoup trop calmement, que son adversaire n'avait « aucune proposition ». La seule fois où la candidate a tenté une attaque politique, sur le voyage de Marine Le Pen en Estonie, photographiée avec des militants suprémacistes, elle s'est emmêlé les pinceaux. Bardella s'est, en revanche, délecté de répéter, comme lors du premier débat télévisé, que Bayer-Monsanto finançait l'Alde, a priori partenaire du futur parti d'Emmanuel Macron au Parlement européen.

 

Alors que les deux listes sont au coude à coude dans les sondages, Bardella s'est attaché à faire de cette élection une addition de référendums. Contre la politique d'Emmanuel Macron, contre l'immigration, contre le libre-échange, contre les élites, pour rassembler les électorats d'opposition éparpillés. De son côté, Nathalie Loiseau s'est adressée au sien pour tenter de le remobiliser en proposant une Europe plus forte, plus fédérale et plus protectrice. Mais cette dernière n'a véritablement réussi à prouver les vertus de l'institution qu'au sujet du Ceta, lorsqu'elle a expliqué que « les importations de viande canadienne avaient baissé et que l'importation de produits français avait augmenté » depuis la signature du traité commercial. Le candidat RN a, de son côté, mis un soin méticuleux à associer son adversaire à tout ce que le bilan de l'Union européenne compte de négatif. "Ministre des Affaires européennes, vous vous êtes beaucoup battue, mais vous n'avez pas eu beaucoup de résultats", a-t-il résumé.

 

Faiblesse écologique

Plus décevant, Loiseau a peiné à exprimer une vision écologique cohérente alors que ce thème est censé être central dans le programme européen de la liste Renaissance et que Pascal Canfin, ancienne figure d'Europe Écologie-Les Verts, est à la deuxième place de sa liste. La candidate n'a pas non plus fait l'effort de dénoncer la conversion écologique de circonstance du Rassemblement national, dont les députés européens n'ont pas voté contre le glyphosate ni la limitation des pesticides lors de la précédente législature et qui confond localisme avec colbertisme vert. Et n'a peut-être pas assez tenté de pousser Bardella, beaucoup moins à l'aise lorsqu'il sort de ses éléments de langage appris par cœur, dans ses retranchements. La candidate, pourtant considérée comme une technicienne de qualité, semblait étonnamment la moins préparée des deux.

 

Nathalie Loiseau a tout de même pu compter sur le péché mignon de Bardella : la fausse information. Car, contrairement à ce qu'il a affirmé à l'antenne, la Roumanie n'a pas négocié un accord avec le Pakistan pour faire venir 500 000 travailleurs sur son sol. Et La République en marche ne prévoit pas de baisser le smic en France dans le cadre de la création d'un smic européen. Sur ces deux points, Loiseau a enfin pu le reprendre sans attendre. Pourtant, « les fake news » qui font désormais partie du paysage du RN ne semblent pas le desservir. Bien au contraire.

Source : Le point