L’Iran et les États-Unis, des relations tourmentées

Le général Qasem Soleimani (au centre), actuel dirigeant de la Force al-Qods et ancien chef des Gardiens de la Révolution islamique, l’organisation que Washington souhaite voir inscrite comme organisation terroriste.
16.10.2017

Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le 08 novembre dernier, l’Iran est redevenu un des ennemis déclarés des États-Unis. Au fil des mois, l’hostilité de plus en plus importante de Washington à l’égard de la République islamique est de plus en plus vive. En effet, courant septembre le Président américain replaçait ce pays sur « l’axe du mal » en compagnie de la Corée du Nord et le 11 octobre, le Corps des gardiens de la Révolution islamique (GRI), véritable colonne vertébrale de l’Iran, était menacé d’être inscrit sur la liste des organisations terroristes par Washington. Enfin, des rumeurs persistantes au sein de l’Administration d’État à Washington laissent entendre que Donald Trump souhaite que le Congrès vote de nouvelles sanctions à l’encontre de Téhéran, soupçonnée de ne pas respecter la lettre de l’accord sur le nucléaire, signé à l’arraché dans les derniers mois de la présidence Obama.

Ce retour de tensions que l’on imaginait appartenir au passé doit nous conduire à revenir brièvement sur l’histoire tourmentée des relations entre les deux nations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L’Iran, une civilisation millénaire au passé prestigieux :

L’Iran est l’héritière de l’une des plus anciennes et prestigieuses civilisations de l’Antiquité, celle de l’Empire perse des Achéménides. Fondé vers 550 avant notre ère par Cyrus le Grand, l’Empire perse conquit rapidement un immense territoire allant des confins de l’Indus aux portes de l’Europe. Défaits en - 490 par les Grecs, l’Empire perse antique est demeuré jusqu’à sa conquête par Alexandre le Grand en – 330 le plus grand empire d’Asie.

Dépositaire d’une civilisation prestigieuse et raffinée, qu’illustrent les ruines de Persépolis, l’Empire perse a survécu dans celui d’Alexandre le Grand. Avec la conquête islamique, l’Iran s’est tournée vers la branche chiite de l’islam. Cette tendance minoritaire, puisqu’elle ne représente que 10 à 15 % de l’ensemble des musulmans, se raccroche à la filiation directe du Prophète, par Ali son cousin et gendre. Persécutés et suspects d’hérésie par la branche sunnite majoritaire, les chiites ont développé une conception originale de l’Islam, beaucoup moins radicale que le sunnisme et acceptant les apports de la religion des Perses, le Zoroastrisme. Rappelons également que les Alaouites qui constituent 20 % de la population syrienne ainsi que son élite politique sont des chiites. Le chiisme devient religion d’état en 1502

Dès l’époque médiévale, le royaume de Perse se développe et devient l’une des puissances majeures de la région. En 1502, Ismaïl Ier établie le chiisme comme religion d’état. Le raffinement et la puissance de la Perse ne cesse de se développer au cours des XVIème et XVIIème siècles, développant des accords commerciaux et diplomatiques avec les États d’Europe, notamment la France de Louis XIV. La grande ambassade de Perse reçue officiellement à Versailles en 1715 par Louis XIV en personne marque l’importance prise par la puissance persane. Déclinant progressivement au cours du XIXème siècle et au cours du premier tiers du XXème siècle. L’Iran, grâce à la découverte et à l’exploitation du pétrole de son sous-sol et grâce à la politique de modernisation du pays menée par le shah devient à nouveau une grande puissance régionale. Afin de marquer ce retour sur la scène mondiale et pour commémorer le 2 500èmeanniversaire de la fondation de l’Empire perse, le shah décide de réunir autour de lui à Persépolis l’ensemble des dirigeants de la planète.
Toutefois, la modernisation de l’Iran s’est accompagnée d’une occidentalisation forcée et brutale contre la majeure partie de la population, ce qui a servi de base à la Révolution islamique. Cette dernière est avant tout une révolution nationale, destinée à se dégager de la tutelle des États-Unis et de l’Occident, alliés et soutiens du régime impérial.

La Révolution islamique, malgré un retour d’une pratique religieuse rigoureuse et l’application de la Charia, la loi islamique, n’a pas entraîné de destruction, ni de réécriture de l’histoire de l’Iran vis-à-vis de la civilisation antique.
Ce bref retour historique permet un éclairage sur les relations irano-américaines.
Des relations entre l’entente et la méfiance :

Les relations entre les États-Unis et l’Iran ont oscillés en fonction des intérêts de la puissance dominante. Sous protectorat ottoman, la Perse du début du XXème siècle est marginalisée. La découverte du pétrole et son exploitation par les compagnies pétrolières britanniques et américaines, va amener les États-Unis à s’intéresser à l’Iran.

Voulant mettre fin à la tentative de nationalisation de l’industrie pétrolière opérée par le Premier ministre Mohamed Mosadegh en 1952, les États-Unis fomentent un coup d’état pour renverser le gouvernement et remettre sur le trône le jeune shah.

Les bonnes relations se sont à nouveau brutalement dégradées à l’époque des mouvements de troubles qui amenèrent à la Révolution de 1978/1979. L’entente avec la république islamique aurait pu se faire, si le régime de Téhéran n’avait pas excercé son droit le plus strict, faire de l’indépendance nationale du pays son cheval de bataille. Aggravé encore par la crise des otages de l’Ambassade américaine de Téhéran, les relations diplomatiques entre les deux États ont été rompues dès 1980. Dès lors l’Iran est devenu, pour les États-Unis, l’un des symboles de « l’axe du mal », tandis que Téhéran parlait du « Grand Satan américain ».  Cette rupture des relations eu pour conséquences le déclenchement de la Guerre Iran/Irak (1980/1988), pour le contrôle du Détroit d’Ormuz et des champs de pétrole de la Mer Caspienne et la mise en place de sanctions économiques et diplomatiques à l’encontre de l’Iran. Ces sanctions, toujours en vigueur pour certaines, permettent aux États-Unis d’exercer un chantage permanent sur tout État souhaitant commercer avec l’Iran.
Les relations se sont assouplies ces dernières années entre les deux pays, notamment grâce à l’accord sur le nucléaire signé en 2015, toutefois la méfiance demeure.

Un retour des tensions avec Donald Trump

L’élection de Donald Trump a marqué un retour des tensions entre les deux pays au prétexte évoqué du non-respect par Téhéran de la lettre des accords de 2015.

L’Iran ne souhaite qu’une chose avec la maîtrise du nucléaire civil, pouvoir développer son économie afin d’émerger définitivement comme la grande puissance régionale du Moyen-Orient. Forte de 82 millions d’habitants et d’immenses ressources en pétrole et gaz naturel, l’Iran est un pays stable. L’influence militaire et diplomatique qu’elle a gagné aux côtés de la Russie dans la lutte contre l’État islamique en Syrie, la rend incontournable. De ce fait, elle constitue la menace la plus sérieuse pour l’hégémonie américaine sur le Moyen-Orient et la volonté néo-conservatrice de créer un « Nouveau Moyen-Orient ». En développant un axe chiite reliant Téhéran et Damas, auquel le Liban pourrait être associé, l’Iran se pose en vigie face au développement des pétromonarchies du Golfe persique, qui pour beaucoup ont joué un double-jeu avec l’État islamique.

Pour la stabilité de la région, l’Iran doit plus que jamais redevenir une puissance d’envergure et un partenaire incontournable.