Syrie : Bachar el-Assad aux portes de la victoire
Le président syrien Bachar el-Assad peut être satisfait. Confronté depuis six ans et demi à une guerre sans merci contre les troupes de l’État islamique et contre la rébellion prétendument démocratique, appuyée par les États-Unis et les puissances occidentales, le président syrien a plus d’une fois été au bord de la défaite. A l’été 2015, sa situation paraissait totalement désespérée à l’heure où les deux tiers de la Syrie étaient aux mains des forces de Daesh ou de la rébellion soutenue par l’Occident.
A peine deux ans plus tard, grâce à l’intervention décisive de la Russie et de l’Iran, la situation militaire est totalement inversée et les forces gouvernementales syriennes contrôlent désormais plus de 70 % du pays, dont la totalité de ce que l’on nomme la Syrie « utile », c’est-à-dire les zones non désertiques. Cette reconquête de la Syrie a été marquée par la reprise du site de la ville antique de Palmyre (définitive depuis le 2 mars 2017, après une première libération en 2016) et surtout la reprise d’ Alep, seconde ville du pays et capitale syrienne de l’État islamique, en décembre 2016. Depuis lors, l’armée syrienne, appuyée par les forces du Hezbollah chiite et de l’aviation russe, est partout à l’offensive et reprend peu à peu le contrôle du pays.
Une nouvelle étape vient d’être franchie le 5 septembre 2017 avec la libération par l’armée syrienne de la ville de Deir ez-Zor à l’Est du pays. Cette ville, à la frontière avec l’Irak, est également au cœur d’une vaste zone pétrolifère. Sa reprise par les forces loyalistes syriennes est d’une très grande importance pour Damas car elle permet de retrouver la maîtrise d’une des ressources économiques majeures du pays. Une seconde offensive sur ce bastion de l’État islamique est menée par les forces Kurdes appuyées par Washington, si bien que les deux parties se partagent chacune 50 % du territoire de la ville. Toutefois, Damas a marqué un point important en reprenant le contrôle de cette ville et démontre une nouvelle fois que Bachar el-Assad est plus que jamais le maître de la situation. Par ailleurs, grâce à l’appui de l’aviation russe, l’armée syrienne a repris le contrôle, le 10 septembre, de zones montagneuses surplombant la ville. La communauté internationale ne s’y trompe d’ailleurs pas, puisque les médias dans leur ensemble conviennent que le gouvernement syrien est en train de gagner la guerre.
Ainsi, Aron Lund, expert de la Syrie à la Century Fondation répond en ces termes à l’Agence France Presse (AFP) : « Assad contrôle la plus grande partie du territoire, ainsi que les zones les plus peuplées. Je pense qu’il va continuer à diriger la plus grande partie de la Syrie ». Aron Lund poursuit son analyse à l’AFP par cette déclaration : « La guerre se poursuit, mais, stratégiquement, il a défait ceux qui pensaient le déposer et, sauf imprévus, je pense que le gouvernement syrien va reprendre le territoire tranche par tranche ».
Cette analyse est corroborée par la déclaration de Staffan de Mistura, envoyé spécial de l’Organisation des nations unies (ONU) pour la Syrie qui précise que « l’opposition syrienne doit accepter qu’elle n’a pas gagné la guerre » et le représentant de l’ONU de demander au gouvernement de ne pas crier victoire et à l’opposition d’être assez réaliste pour voir qu’elle n’a pas gagné la guerre.
Toutefois, les médias mainstream et la plupart des « spécialistes » occidentaux tentent de minorer le succès de Bachar el-Assad en pointant du doigt les difficultés qui ne vont pas manquer de se multiplier dans un pays dont l’économie a été ruinée par plus de six années de guerre. Pour la plupart de ces experts, le pays ne pourra mener à bien la reconstruction, dont le coût global est estimé à 200 milliards de dollars, en raison de la ruine du pays. Les douze principales banques syriennes ne détiendraient en effet que 3,5 milliards de dollars d’actifs…
Cette réalité strictement économique doit cependant être nuancée par l’aspect politique que revêtira fatalement la reconstruction de la Syrie et que les médias mainstream, ainsi que les gouvernements occidentaux ont fortement tendance à négliger.
On ne comprend rien à la guerre en Syrie si l’on néglige le fait que cette dernière est un maillon essentiel de la géopolitique russe, en raison notamment de la base navale russe de Tartous (second port du pays après Lattaquié). La base navale de Tartous est essentielle pour la Russie car elle lui offre une présence en plein cœur de la Méditerranée et aux portes du Proche et du Moyen-Orient. Cette position stratégique permet à la Russie de rester au contact des puissances anglo-saxonnes qui ont pour projet de redessiner la carte de la région afin d’édifier un nouveau Moyen-Orient. Dans cette optique, la préservation d’une Syrie libre et non alignée sur les ambitions occidentales est vitale pour Moscou. En outre, on imagine mal que la Russie ait consentie tant d’efforts pour permettre à Bachar el-Assad de remporter la guerre sans lui donner ensuite les moyens de reconstruire son pays. La condition pour que la situation de la Syrie se stabilise est que le pays entame le plus rapidement possible sa reconstruction.
Outre la Russie, l’Iran, acteur majeur qui a permis la victoire syrienne, a tout intérêt à permettre à la Syrie de se reconstruire au plus vite. Fort d’une économie en pleine expansion et de son retour sur la scène internationale, l’Iran peut être un investisseur de premier plan de l’économie syrienne. Il convient de rappeler que Damas et Téhéran avait signé en 2011 un accord sur la construction d’un gazoduc permettant l’acheminement du gaz iranien vers la Méditerranée via le Nord de l’Irak et la Syrie, preuve s’il en est des liens économiques étroits existants entre les deux pays.
Un troisième acteur économique se trouve particulièrement intéressé par la reconstruction de la Syrie, il s’agit de la Chine. En effet, la première puissance économique mondiale, souhaite développer au maximum ses investissements sur la planète. Elle considère que la région du Proche et du Moyen-Orient, ainsi que l’Afrique du Nord, est un maillon essentiel entre Orient et Occident. De ce fait, nombres de pays de cette région sont ou étaient de grands producteurs agricoles (Israël, Irak et Egypte notamment), mais aussi la Syrie qui produisait avant-guerre environ quatre millions de tonnes de blé, dont 1,5 million destiné à l’exportation. Enfin, la Chine souhaite développer la Nouvelle Route de la soie, qui relie la Chine à l’Occident par plusieurs routes commerciales, dont une pourrait traverser la Syrie.
La Chine ne fait d’ailleurs pas mystère de son intérêt pour la reconstruction économique de la Syrie puisque un séminaire s’est tenu à Pékin le 9 juillet dernier sur le thème de la reconstruction et du développement syrien. Organisé conjointement par l’Association pour les échanges arabo-chinois et l’ambassade de Syrie à Pékin, ce séminaire a été suivi par de nombreux hauts fonctionnaires et industriels chinois. A cette occasion, l’ambassadeur syrien à Pékin, Imad Moustapha, cité par le Global Times a déclaré : « La Syrie a lancé son programme de reconstruction, une Ceinture et une Route, essentiellement dans le domaine de l’énergie, de l’eau et de l’industrie », faisant une allusion très claire au projet de Nouvelle Route de la soie.
Faisant écho à cette prise de position officielle, Hua Liming, ancien ambassadeur chinois en Iran a révélé au Global Times que des entreprises chinoises publiques et privées investiront dans la reconstruction de la Syrie, mettant une priorité sur l’infrastructure et la distribution d’eau et sur la réhabilitation de l’industrie pétrolière. Enfin, une délégation de près de cinquante entreprises chinoises s’est rendue en Syrie du 15 au 22 août dernier pour « explorer les opportunités d’investissement ». Cette délégation a visité Damas, Homs et Alep, rencontrant divers responsables économiques et politiques afin de mettre en place une zone industrielle sino-syrienne pour 150 sociétés, qui créerait 40 000 emplois.
Cet intérêt de la Chine pour la reconstruction de la Syrie est un cinglant démenti à l’Occident qui imagine un peu vite que Bachar el-Assad va se retrouver à la tête d’un pays en ruine pour longtemps. La reconstruction de la Syrie appuyée par la Russie, l’Iran et la Chine est l’un des signes tangibles qu’un monde multipolaires est en train d’émerger sur les ruines de l’Empire mondial dirigé par les États-Unis.