Retour aux blocages : «Les Gilets jaunes ont décidé de toucher à l'économie directement»
Pour l'acte 32 de leur mobilisation, les Gilets jaunes ont choisi de revenir à leur stratégie originelle : les blocages paralysant l'économie et les actions ciblées. La démarche parviendra-t-elle à donner un nouveau souffle au mouvement ?
«Les Gilets jaunes ont décidé de toucher à l’économie directement.» C’est le mot d’ordre lancé au micro de RT France par Eric Drouet, figure des Gilets jaunes, le 22 juin, alors que ces derniers réalisent une opération péage gratuit au niveau de Chamant-Senlis (Oise) sur l’autoroute A1. Le rendez-vous avait été fixé à 9h, selon notre journaliste présente sur place. A 17h, l’opération rassemblait encore plus de 300 personnes.
Opération péage gratuit : «un virage dans le mouvement»
«C’est un virage dans le mouvement [...] Nous arrêtons les manifestations et les marches dans Paris. Les Gilets jaunes se concentrent sur les blocages et les péages gratuits», poursuit Eric Drouet, qui dit avoir rejoint une initiative décidée depuis un mois et demi par un autre groupe d'activistes. «C'est une conclusion que tous les Gilets jaunes ont faite : cela fait six, sept mois que nous marchons dans la rue, et à aucun moment, un samedi soir, le moindre Gilet jaune n’a été reçu pour des négociations, le gouvernement n’a fait aucune annonce par rapport à toutes ces manifestations. C’est une chose qui ne marche absolument pas», explique-t-il, toujours au micro de RT France.
Localement, cette opération péage gratuit aura donc été un succès. D'autant que les autorités auront eu toutes les peines du monde à mettre un terme à l'action des Gilets jaunes.
«Cassez-vous» : le sous-préfet évacué
Michaël Chevrier, sous-préfet de Clermont, est ainsi venu une première fois dans l'après-midi afin de demander aux Gilets jaunes de s'en aller. Après ce premier essai infructueux, il a fait une seconde tentative un peu plus tard.
Hué par les manifestants, le sous-préfet a dû rebrousser chemin, exfiltré par les gendarmes sous les cris de «cassez-vous», mais aussi du désormais célèbre : «Et même si Macron ne le veut pas, nous, on est là !»
Ce sont finalement les CRS, appelés en renfort, qui parviendront, aux alentours de 18h30, à déloger les protestataires.
De nombreux points de blocages
Serait-ce là le retour de la stratégie originelle de Gilets jaunes ? Présent lui aussi sur le péage de Chamant-Senlis, Jérôme Rodrigues, autre figure des Gilets jaunes, rappelle au micro de Sputnik que «les péages [gratuits] ne se sont jamais arrêtés depuis le 17 novembre [marquant l'acte 1 de la mobilisation]».
Qui allons-nous faire pleurer ? Les actionnaires de Vinci et Vinci ? Moi ça me va. C’est une bonne journée
Celui qui a perdu l'usage de son œil en manifestant analyse : «Cela permet aux citoyens de récupérer la gratuité et la liberté de circuler en France [...] Pour un trajet Lille - Paris, [le coût du péage] est de 17 euros pour une voiture. Avec 17 euros […] il est possible d’offrir un [tour de] manège aux gamins ou une petite glace. Qu’est-ce que nous y gagnons aujourd’hui ? Le sourire des gamins et le sourire des gens qui passent le péage.»
«Et qui allons-nous faire pleurer ? Les actionnaires de Vinci et Vinci ? Moi ça me va. C’est une bonne journée [...] Un blocage c’est bloquer le CAC40, pas les citoyens. C’est bloquer ceux qui font des richesses sur notre dos, ceux qui enrichissent monsieur Macron», poursuit-il.
Force est de constater que le mot d'ordre appelant à «tout bloquer» ce 22 juin a été suivi. De nombreux péages avaient en effet subi le même sort durant cet acte 32, comme à Heudebouville (Eure) au kilomètre 90 de l’autoroute A13.
Mêmes images au péage de Toulouse Nord (Haute-Garonne) sur l’A62, où les Gilets jaunes empêchaient les camions de poursuivre leur route.
Des Gilets jaunes se trouvaient également au péage d’Avignon-Nord, certains arborant une banderole «Vinci se gave, le peuple déguste» ou encore «Stop aux abus et privilèges de tous les élus».
La gare maritime de Saint-Malo momentanément à l'arrêt
Au petit matin, une quarantaine de Gilets jaunes, selon nos confères de France Bleu, s’étaient donné rendez-vous à l’entrée du port maritime de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) afin de bloquer les automobilistes souhaitant traverser la Manche. De nombreux Britanniques n’ont donc pas pu embarquer et ont dû être orientés vers les port de Caen-Ouistreham, Roscoff et Cherbourg. Selon un journaliste de Ouest-France présent sur place, les gendarmes sont arrivés aux alentours de 11h, soit 3h après le début du blocage, pour déloger les manifestants. Le trafic a alors rapidement repris.
Quand les magasins baissent le rideau
Les péages et autres axes de transport n’ont pas été les seules cibles des manifestants. A Toulouse, où défilait un cortège comme tous les samedis, les images rapportées par le journaliste de RT France montrent ainsi que de nombreuses enseignes ont été ciblées par les Gilets jaunes, les forçant à baisser leur rideau ou à fermer leurs portes. Le magasin de distribution de vêtements à bas prix d’origine irlandaise Primark, situé dans la rue de Rémusat, a été bloqué par les manifestants qui scandaient : «Primark, Macron, même combat.» Des jets de peinture jaune ont même été constatés sur la vitrine du magasin.
Quelques minutes plus tard, c’est au tour des Galeries Lafayette, dans la rue de Lapeyrousse, d’être la cible des manifestants. Le magasin avait choisi de baisser ses grilles à l’arrivée de la foule, toujours d’après les images de notre journaliste sur place.
A quelques centaines de mètres de là, dans la rue d’Alsace Lorraine, le magasin H&M connaît le même destin.
Au fur et à mesure de la progression du cortège, toutes les enseignes situées sur le passage de la manifestation fermaient leurs portes les unes après les autres : boutiques des opérateurs Bouygues Télécom et Orange, Zara, Camaieu, Fnac ou encore McDonald's (devant lequel un départ de feu a été rapidement maîtrisé par la sécurité).
La mobilisation pour cet acte 32 est repartie à la hausse, après une forte diminution du nombre de participants aux manifestations du samedi. 25 553 manifestants défilaient en France selon le Nombre jaune, proche des organisateurs. Ils étaient 11 800 selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, qui avait dénombré 7 000 participants durant l'acte 31.
Dans un communiqué publié sur son compte Twitter par Jérôme Rodrigues le 21 juin, signé, entre autres, par Priscillia Ludosky, Maxime Nicolle, Jérôme Rodrigues ou encore par le groupe Gilets Jaunes Union IDF, ces derniers appellent à la «désobéissance civile». Le document fixe la feuille de route jusqu'au 17 novembre 2019, soit un an après le début de la mobilisation. «Si après un an de lutte sans réponse politique : 17 novembre 2019 = 17 actions de désobéissance civile visant le CAC40 dans tout le pays», peut-on lire en conclusion du texte de trois pages.
Source : RT France