Présidence de Donald Trump : de l’illusion au désenchantement

08.09.2017

Donald Trump sur une de ses affiches de campagne annonçant le slogan “America First”, comme le symbole du renouveau patriotique et non interventionniste des États-Unis.

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le 08 novembre 2016, a été un coup de tonnerre sans précédent sur la scène politique internationale. Pour la première fois depuis près d’un siècle les États-Unis venaient d’élire un président ouvertement protectionniste et non interventionniste, dont le slogan de campagne avait été “America First”. Ce slogan, véritable décalque du  “La France aux Français” du Front national de Jean-Marie Le Pen, semblait vouloir ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire des États-Unis.

Tournant le dos à près d’un siècle d’hyper-puissance américaine, qui de la Première Guerre mondiale à l’effondrement de l’URSS en 1991 a vu les États-Unis devenir progressivement le gendarme du monde, Donald Trump entendait revenir à la vocation première de l’Amérique, celle d’une nation continent vivant loin des turpitudes de la scène internationale et se concentrant sur sa sécurité intérieure et sur la prospérité de son peuple.

Cet engagement, qualifié de populiste par les médias mainstream, a été ce qui a permis au candidat Trump de triompher de son adversaire, Hillary Clinton, digne représentante de la classe dirigeante américaine imprégnée d’idéologie néo-conservatrice et multiculturelle.

Lassé par le coût exorbitant de la politique néo-conservatrice menée par les différents gouvernements américains depuis le début des années 1990, du bourbier irakien au piège syrien en passant par l’aventure afghane, le peuple américain, par ailleurs frappé depuis 2008 par la crise économique, entendait revenir à une politique moins aventureuse et moins onéreuse.

L’élection de Donald Trump doit être interprétée comme la volonté de la classe moyenne blanche de retrouver la maîtrise de son destin par une inversion des priorités. En élisant Donald Trump, les Américains entendaient que le gouvernement fédéral s’occupe en priorité des problèmes des États-Unis (crise économique, immigration, multiculturalisme) avant de jouer les gendarmes du monde pour le seul profit du complexe militaro-industriel et des élites de Washington.

Du point de vue européen, l’élection de Donald Trump signifiait la fin de la tutelle envahissante de l’Europe par les États-Unis et une chance unique de retrouver une indépendance perdue depuis 1945.

Hélas après neuf mois de mandat il est peu de dire que la désillusion est au rendez-vous.

Loin de désarmer ou de vouloir cantonner son armée à la stricte sécurité des États-Unis, le Président Trump maintient pour l’instant la même politique étrangère que ses prédécesseurs. Il semble même que, handicapé par une supposition de complaisance coupable envers la Russie (rumeur propagée par le camp Démocrate dès avant sa défaite en novembre), Donald Trump ait décidé de jouer une sorte de surenchère afin de se dédouaner.

Ainsi au printemps dernier, lorsque le gouvernement syrien de Bachar el Assad a été accusé sans preuve d’avoir utilisé des armes chimiques contre des populations civiles avec la complicité et l’appui de Moscou. Loin de calmer le jeu, Donald Trump donnait l’ordre aux unités de l’US Navy stationnées en Méditerranée orientale, de bombarder une base aérienne syrienne.

De même dans le dossier iranien, dans lequel le Président Trump a renoué avec la rhétorique la plus dure à l’égard de Téhéran, annonçant qu’il souhaitait remettre en cause l’accord de 2015 sur le nucléaire. Cet accord historique a fait ainsi revenir l’Iran dans le jeu international après 35 ans de mise au ban des nations et a permis à ce dernier de retrouver son rang de puissance régionale. Les menaces de plus en plus lourdes de Washington ont d’ailleurs abouti, début août 2017, au vote de nouvelles sanctions américaines à l’égard de Téhéran.

Ce regain de tensions avec l’Iran est à chercher, outre le soutien indéfectible de Téhéran envers la Syrie, du côté du rapprochement important des États-Unis avec leur allié de toujours dans la région, à savoir Israël. En effet, après une prise de distance lors des dernières années du second mandat de Barack Obama, l’alliance américano-israélienne est revenue plus forte que jamais.

Enfin, face à la Russie, le Président Trump et son administration ont conservé un ton extrêmement agressif et anti-russe. Voulant démontrer à tout prix qu’il n’est pas l’obligé de la Russie, Donald Trump soutient avec détermination l’Ukraine. Il a d’ailleurs indiqué à plusieurs reprises qu’il souhaitait que la Crimée soit rendue par Moscou à l’Ukraine. Pour appuyer ses déclarations, de nouvelles sanctions économiques ont été voté par le Congrès américain à l’encontre de la Russie.

Ces quelques exemples démontrent que les États-Unis demeurent des adversaires résolus de l’Europe et de la mise en place d’un monde multipolaire.

On peut se demander si Donald Trump a joué un rôle pour se faire élire, ou s’il est prisonnier d’un système qui l’empêche d’agir à sa guise. Il convient de ne pas négliger le poids du complexe militaro-industriel, qui a tout à perdre d’un changement de politique, ni celui des vieilles habitudes héritées de la Guerre froide et de 25 ans de domination sans partage de la planète (depuis 1991 et la chute de l’URSS).
De même au sein du Parti Républicain, Donald Trump est très isolé. Des hommes comme Georges Bush, lié au complexe militaro-industriel, ou le Sénateur John Mc Cain véritable ennemi de la Russie comme l’a montré son engagement personnel dans le coup d’état du Maïdan à l’hiver 2014, sont des néo-conservateurs prêts à tout pour maintenir leur idéologie au pouvoir. Par ailleurs, au commande de l’Amérique depuis le début des années 1990, cette idéologie a imprégné toutes les strates de l’administration américaine et constitue un rempart contre les évolutions.

Enfin, l’équipe présidentielle est elle-même très hétéroclite et de nombreux néo-conservateurs sont à des postes clés. Ce n’est pas la démission le 19 août dernier, sous la pression des généraux et du gendre du Président, Jared Kushner, du très influent Steve Bannon, tenant de la ligne populiste et nationaliste qui peut nous rassurer sur une quelconque évolution de la politique américaine.