Malgré l’assassinat de Soleimani, l’Axe de la Résistance progresse sur tous les fronts
Le premier mois de 2020 a débuté avec un important revers pour l’Iran et ses alliés régionaux, avec l’assassinat du Général de division Qassem Soleimani, chef de la Force Quds du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), le 3 janvier. Cet acte reposait sur de fausses allégations de « menace imminente », et constituait prétendument une réponse disproportionnée à la mort d’un entrepreneur américain tué dans une base militaire irakienne par une attaque à la roquette qui a été imputée à une faction des Forces de mobilisation populaire irakiennes. Celles-ci n’ont pas revendiqué la responsabilité de l’attaque, mais ont été prises pour cible dans des frappes aériennes américaines à la frontière entre la Syrie et l’Iraq, sans que la moindre preuve de leur culpabilité n’ait été avancée. Cependant, loin de céder sous la pression et de se « retirer », comme certains l’ont spéculé à tort, l’alliance connue sous le nom d’Axe de la Résistance a réalisé toute une série de gains, politiquement et militairement, en l’espace du même mois.
Il y avait plusieurs motifs possibles derrière le meurtre de Soleimani, tels que 1/ détourner l’attention du procès en destitution du Président Donald Trump ; 2/ le Président lui-même cédant aux informations trompeuses des renseignements militaires ; 3/ la volonté d’agir pour les intérêts stratégiques d’Israël (qui a été notifié de l’imminence de l’attaque avant le Congrès) ; 4/ la volonté d’étouffer toute tentative de pourparlers de réconciliation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ; 5/ la volonté d’interrompre les progrès accomplis contre Daech afin de maintenir l’instabilité de l’Irak et de la Syrie.
Mais en fin de compte, la décision de procéder à l’assassinat avait été prise bien à l’avance, et le meurtre de l’entrepreneur américain n’a fait que servir de catalyseur aux États-Unis qui ont exploité ce prétexte. Cet acte d’agression s’inscrit dans le sillage des nombreuses provocations qui ont visé à contenir l’Iran et/ou à l’attirer dans la guerre que les néoconservateurs et les sionistes veulent tant. Les tactiques utilisées, telles que les bases militaires et la présence navale dans le Golfe, et les sanctions économiques, ne sont pas trop différentes de celles mentionnées dans le mémorandum McCollum pendant la Seconde Guerre mondiale, qui contenait un plan de guerre en huit étapes contre le Japon impérial et avait été élaboré bien avant l’attaque de Pearl Harbor, qui n’aurait été que le prétexte pour que les États-Unis déclarent officiellement la guerre au Japon.
De même, en 1964, les incidents du golfe du Tonkin ont été manipulés, entraînant la pleine implication des États-Unis dans la guerre du Vietnam. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard qu’il a été révélé que le gouvernement américain avait trompé le public américain et le Congrès, tout comme l’a fait l’administration actuelle au sujet de la menace que Soleimani aurait fait peser sur les États-Unis.
Gardiens de la Révolution Islamique d’Iran
La phase initiale de la réponse iranienne par des frappes de missiles a été rapide et calculée, et aurait même causé des pertes parmi les troupes américaines stationnées dans les bases en Irak, qui ont été à l’origine niées puis minimisées par les États-Unis. Le nombre des soldats qui souffrent de ce que le Pentagone prétend être seulement des légers traumatismes crâniens augmente régulièrement. Les détails iraniens quant aux pertes américaines sont plus graves (+/- 80 morts et 200 blessés), bien que ces chiffres aient été constamment revendiqués depuis le début.
Pour faire la lumière sur la gravité de ce qui s’est passé, certains observateurs ont comparé l’assassinat du plus haut général militaire iranien par Washington à un acte similaire de l’Iran contre un général américain ou un haut responsable du renseignement. En effet, les frappes de missiles n’étaient que le début de la « vengeance sévère » promise par le Guide Suprême et le CGRI. La destruction récente d’un avion espion en Afghanistan, prétendument par les Talibans, a tué plusieurs officiers de haut rang de la CIA, dont, selon les renseignements russes, le chef de la mission iranienne de l’agence, Michael D’Andrea. Cette information a été rejetée par les médias occidentaux comme de la propagande, ceux-ci reprenant docilement la position officielle selon laquelle seuls deux pilotes étaient à bord, bien que les déclarations autour de l’incident aient été marquées d’incohérences. Si cela est vrai, ces représailles sembleraient bien plus suffisantes et proportionnées de la part de l’Iran, qui aurait éliminé un cadre d’une valeur politique similaire à celle de Soleimani.
Mort présumée du responsable de l’assassinat de Soleimani dans un crash en Afghanistan : toujours pas de commentaire du Pentagone ou de la CIA ?
D’Andrea aurait également été à l’origine de l’assassinat du haut commandant du Hezbollah Imad Mughniyeh en 2008.Bien que les Talibans n’aient pas les capacités requises pour abattre un avion à haute altitude, ils pourraient avoir bénéficié de l’aide de l’Iran, qui leur a offert leur soutien lorsque cela était opportun, comme des fuites de documents sur la guerre en Afghanistan de 2010 l’ont révélé.
Le successeur de Soleimani, Esmail Qaani, a également des années d’expérience en Afghanistan, et il existe une brigade chiite entièrement afghane dans l’Axe de la Résistance, entraînée par les CGRI : il s’agit des Fatemiyoun, dont de nombreux combattants sont désormais des vétérans du conflit en Syrie. L’ancien ambassadeur de l’Afghanistan auprès de l’ONU a averti jeudi 30 janvier que les Fatemiyoun pouvaient constituer une menace et que les tensions entre l’Iran et les États-Unis pouvaient mettre en péril le fragile processus de paix afghan. Les forces américaines en Afghanistan, comme en Irak, continueront d’être menacées.
Ismail Qaani, le nouveau commandant de la Force Quds du puissant Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) de l’Iran, a des liens avec l’Afghanistan depuis les années 1980.
Forces de mobilisation populaire irakiennes (PMF)
Intégrées aux forces armées irakiennes et placés sous le commandement du Premier ministre, les PMF (Hachd Al-Sha’bi) ont été créées sur la base d’une fatwa de 2014 de l’ayatollah Sayyid Al-Sistani, à l’origine pour lutter contre la menace existentielle que Daech faisait peser sur la capitale Bagdad et le sud de l’Irak. Elles ont également fait vœu de se venger, en particulier après le meurtre de leur commandant adjoint, Abu Mahdi Al-Muhandis, tué aux côtés de Soleimani dans la frappe américaine près de l’aéroport de Bagdad.
L’indignation publique massive, déjà bouillonnante du fait des frappes aériennes américaines sur les positions des PMF combattant contre Daech à la frontière syrienne, a conduit le parlement irakien à adopter une résolution demandant aux États-Unis de se retirer du pays, qui a été ignorée par Washington jusqu’à présent. L’Irak a organisé une « marched’un million de personnes » en réponse à un appel du religieux nationaliste chi’ite Moqtada Al-Sadr, certaines estimations suggérant que le taux de participation dépassait le million. Mais cela a été largement minimisé par les médias occidentaux.
Des attaques de roquettes sporadiques ont ciblé les environs de l’ambassade américaine dans la zone verte de Bagdad, mais les PMF ont clairement indiqué qu’elles n’attaqueraient que des cibles militaires. Bien que personne n’en ait encore revendiqué la responsabilité, il pourrait bien s’agir d’attaques de la faction de l’Armée du Mahdi dirigée par Moqtada Al-Sadr. Daniel Davis, un officier de l’armée américaine à la retraite, a récemment expliqué que les États-Unis devaient se retirer d’urgence d’Irak et de Syrie, avant que plus de militaires américains soient « inutilement tués ».
Armée Arabe Syrienne
L’armée Arabe Syrienne continue de libérer le territoire de l’État et d’y réaffirmer la souveraineté de Damas, et les terroristes affiliés à Al-Qaïda se sont retranchés dans la province d’Idlib et certaines parties de la province d’Alep. Ayant maintenant encerclé plusieurs avant-postes militaires turcs à Idlib, les forces syriennes ont repris la ville stratégique de Maaret Al-Numan, la deuxième plus grande ville de la province située sur l’autoroute M5 reliant Damas à Alep, qui à son tour rétablit un accès vital entre les villes contrôlées par le gouvernement.
Les Houthis au Yémen
Le mouvement Houthi au Yémen, qui est allié à la plupart des forces armées du Yémen, a également réalisé des gains stratégiques ce mois-ci. Des contre-offensives acharnées dans le district de Nehm, dans la province de San’aa, ont conduit au retrait des forces soutenues par les Saoud qui combattent au nom du Président yéménite en exil, Abdrabbuh Mansur Hadi. Ces victoires des Houthis ont assuré la sécurité du front oriental de la capitale, San’aa. D’autres gains ont été réalisés dans les provinces de Marib et d’Al-Jawf, notamment la libération d’une importante autoroute reliant les deux provinces. Les forces dirigées par les Houthis cherchent à prendre le contrôle de la capitale provinciale de Jawf, ce qui entraînerait de nouveaux revers pour les forces terrestres de Hadi. Mercredi 29 janvier, le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Saree, a annoncé qu’ils avaient « libéré 2 500 kilomètres carrés » de terres yéménites.
Le Hezbollah au Liban
Malgré des troubles civils et des problèmes économiques croissants, le gouvernement du Liban a pour l’instant surmonté une crise potentielle créée par la démission de l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, avec la nomination du nouveau Premier ministre, Hassan Diab. Le bloc sunnite pro-occidental et pro-saoudien étant absent du nouveau gouvernement technocratique, une première depuis le retrait de la Syrie en 2005, le gouvernement libanais n’est représenté que par le Hezbollah et ses alliés. Bien que le Hezbollah ne contrôle que deux ministères, le Mouvement patriotique libre chrétien et le mouvement chiite Amal, alignés avec le Hezbollah, contrôlent une grande partie des autres portefeuilles. Ainsi, le nouveau gouvernement constitue pour la première fois une administration qui « reflète la réalité du pouvoir établie de longue date au Liban ».
Les mois à venir
Le vide laissé par la mort de Soleimani se fait encore ressentir dans la région et en particulier en Iran, mais l’Axe de la Résistance continuer à déjouer les manœuvres de ses adversaires, que ce soit politiquement ou sur le champ de bataille. L’armée syrienne continuera de reprendre le territoire de l’État, tout comme les forces dirigées par les Houthis au Yémen. Le gouvernement national dirigé par les Houthis a également rencontré des ambassadeurs européens et l’envoyé des Nations Unies pour le Yémen ce mois-ci, signes précurseurs d’une future reconnaissance politique par la communauté internationale. L’Irak est trop crucial pour que les États-Unis s’en retirent volontairement, ce qui affecterait inévitablement leur présence dans les champs pétroliers de Syrie, mais la pression diplomatique et militaire ne cessera de s’accroître sur leurs forces. Ainsi, les États-Unis ont réexaminé les possibilités de balkaniser l’Irak en érigeant un État sunnite autonome à l’ouest qui borderait la Syrie pour compenser la perte d’influence de Washington dans la capitale et au sud. Cela pourrait conduire à un retour inévitable du chaos déstabilisateur associé à Daech.
Pour sa part, Israël continue de cibler les bases du Hachd et les forces syriennes. Les États-Unis ont relocalisé des combattants de Daech dans l’ouest de l’Irak pour saper la demande de retrait du parlement irakien. Le nouveau Premier ministre irakien, Mohammad Tawfiq Allawi, un sunnite, a le soutien de deux puissants blocs politiques chiites. Sous Allaoui, les États-Unis auront trois mois pour se retirer, après quoi ils seront des cibles légitimes. Quant à une guerre directe avec l’Iran, elle ne s’est pas encore matérialisée. Cependant, l’option de provoquer une guerre est toujours sur la table, et il y a probablement d’autres étapes à suivre dans le plan, comme l’indiquait dans la note de service McCollum.
Source : Le Cri des peuples