L’Espagne face aux revendications catalanes, ou la difficile survie de l’unité espagnole
L’Espagne est en proie, depuis un mois, à une crise institutionnelle sans précédent. Le 1er octobre dernier, le référendum organisé par le président de la généralité de Catalogne, Carlos Puigdemont et interdit par le Gouvernement espagnol de Mariano Rajoy donnait une majorité de 90,18 % aux partisans de l’indépendance de la Catalogne, mais avec un taux de participation faible de l’ordre de 42,4 %. Tenu pour illégal par Madrid, le résultat de ce référendum donne aux indépendantistes, majoritaires en sièges (72 sur 135), mais non en voix (47,8 %), depuis les dernières élections du 27 septembre 2015, le sentiment d’avoir l’appui de la population catalane pour faire exploser l’Espagne.
En effet, Carlos Puigdemont, chef de l’exécutif catalan, désigné à ce poste par le vote du Parlement de Catalogne, souhaite mener à son terme le processus d’indépendance de la province lançant un défi à l’Espagne tout entière. Une Catalogne indépendante signifierait la mort de l’Espagne, car cela ouvrirait la porte aux revendications indépendantistes du Pays Basque espagnol, voire d’autres régions autonomes du pays. Une telle situation est inenvisageable pour le gouvernement madrilène dirigé par le Premier ministre Mariano Rajoy, autant que par le roi d’Espagne Felipe VI, qui a pris publiquement parti dans une allocution télévisée du 3 octobre 2017 pour l’unité de l’Espagne et le maintien de la Catalogne dans la communauté nationale espagnole.
Le 27 octobre, le Parlement de Catalogne a voté à une courte majorité de 70 voix contre 65, l’indépendance unilatérale de la Catalogne. Cette décision est cependant nulle et non avenue du point de vue espagnol car le processus qui a conduit à celle-ci est illégal. En effet, la Catalogne demeure une province espagnole et le gouvernement de Madrid a obtenu du Sénat le vote de l’article 155 de la Constitution qui permet à l’État central de suspendre l’autonomie d’une province et de destituer sa représentation.
De fait, la crise entre Madrid et Barcelone risque de se poursuivre jusqu’à la convocation de nouvelles élections susceptibles de changer la majorité du Parlement catalan. Cette crise illustre la fragilité d’une nation extrêmement décentralisée.
En effet historiquement, l’Espagne s’est construite à partir des Rois Catholiques, (fin du XVème siècle) Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, autour de l’union des deux royaumes castillan et aragonais dans un projet d’unité de l’Espagne. Peu à peu, le centralisme s’est imposé avec l’avènement au trône d’Espagne du petit-fils de Louis XIV, Philippe V d’Espagne, qui a importé dans son nouveau royaume les usages centralisateurs français.
Au cours des siècles suivants, l’unité de l’Espagne n’a cessé de se renforcer, bravant même les changements de régime. Ainsi, en 1934, la République espagnole, proclamée depuis 1931 seulement, n’a pas hésité à faire intervenir l’armée pour mettre fin à la tentative de sécession de la province des Asturies.
Garant de l’unité nationale, le général franco et ses gouvernements successifs ont lutté contre la montée des différents autonomismes, basque et catalan. Le processus de démocratisation introduit par la Constitution de 1978 a ouvert la voie aux revendications autonomistes.
En effet, la Constitution décrit l'organisation territoriale de l'État comme décentralisée, selon le modèle des Communautés autonomes en établissant deux types de communautés : les régions autonomes : l'article 143 établit les procédures pour la création des autonomies de nouvel accès, appelés régions autonomes et les nationalités : l'article 151 a permis un processus d'autonomie accéléré et adaptée aux régions dites "historiques", celles qui avaient déjà bénéficié d'un statut d'autonomie pendant la IIe République : Catalogne, Galice et Pays basque.
Ainsi, la Constitution espagnole porte en elle le germe des velléités d’indépendance qui éclatent aujourd’hui à propos de la Catalogne en se fondant notamment sur le précédent de la Seconde République espagnole de 1931.
L’Espagne arrivera-t-elle à dépasser cette crise et à reconstruire son unité nationale ? Plus que jamais, les Espagnols doivent prendre conscience de la nécessité du rôle protecteur de la nation dans un monde soumis au mondialisme niveleur.