Grand remplacement en Europe : la Pologne en pointe de la résistance identitaire

13.04.2021

Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires  Après de multiples articles ayant passionné des centaines de milliers de lecteurs, Polémia conclut son tour d’Europe du Grand Remplacement. Après avoir étudié l’emblématique cas de la Suède puis l’inquiétante submersion démographique de la Belgiquel’espoir d’une réaction politique au Danemarkle désastre multiculturel britanniquele suicide de l’Allemagneles tentatives de résistances de l’Autrichel’espoir naissant en Italiela spirale infernale en Espagnel’islamisation galopante des Pays-Basle bon élève portugaisla lente chute de la Suissela crise migratoire en Grècela situation catastrophique de la France et le signal d’espoir envoyé par la Hongrie… Paul Tormenen s’intéresse enfin à la Pologne qui semble résister à l’ethnomasochisme de tant de pays européens.

Merci à Paul Tormenen pour l’extraordinaire labeur qu’a constitué ce tour d’horizon du Grand Remplacement en Europe.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de ces passionnants articles sur Polémia via le mot-clef « Grand Remplacement en Europe ».
Polémia

La Pologne a connu depuis la fin du régime communiste en 1989 de profonds bouleversements démographiques. Mais les gouvernements qui se succèdent au pouvoir dans ce pays entendent rester fidèles à ses racines chrétiennes et garder son identité. Le recours à une immigration uniquement choisie n’est pas sans provoquer les foudres des bureaucrates de l’Union européenne.

La Pologne est confrontée depuis quelques années à plusieurs défis démographiques : sa population baisse, sous l’effet conjugué d’une émigration soutenue et d’une faible natalité. Le formidable essor économique que connaît le pays depuis la chute du « rideau de fer » a entraîné d’importants besoins en main-d’œuvre. Cela a amené les gouvernements successifs à organiser une immigration choisie, principalement originaire d’Ukraine. Dans le cadre de ces mouvements de population, les autorités polonaises entendent plus que jamais rester fidèles à l’identité chrétienne du pays, une identité qui a été un vecteur de résistance pendant des périodes d’oppression par différentes puissances étrangères. Mais le refus du gouvernement polonais, largement partagé dans la population, de subir une immigration extra-européenne, a entraîné à plusieurs reprises sa condamnation par les cours de justice européennes (CJUE, CEDH). La partie de bras de fer entre la Pologne et l’Union européenne est loin d’être terminée, comme en témoigne la nouvelle controverse autour de « l’État de droit ».

Une émigration importante et de longue date

Avant d’être un pays d’immigration, la Pologne a longtemps été un pays d’émigration. Le xixe siècle a été marqué par un mouvement croissant d’émigration de Polonais vers les États-Unis, le Canada, l’Australie, la France, l’Amérique du Sud, etc. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, près d’un sixième de la population a quitté le pays, de façon forcée ou volontaire (1). Le régime communiste mis en place par l’URSS a réduit l’émigration, sans toutefois arriver à l’arrêter (2). La chute des régimes totalitaires à partir de 1989 a entraîné l’ouverture des frontières des pays d’Europe de l’Est. Plusieurs centaines de milliers de Polonais ont alors émigré à l’étranger, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada. D’après le ministère des Affaires étrangères, près d’un Polonais sur trois vit à l’étranger (3). Le nombre de Polonais vivant temporairement à l’étranger est quant à lui estimé à 2,4 millions (4).

L’économie polonaise en plein essor

L’économie polonaise a fortement bénéficié du libre-échange à partir du début des années 1990. L’esprit d’entreprise, les aides de l’Union européenne et le bas coût de la main-d’œuvre en Pologne ont favorisé l’essor de nombreux secteurs d’activité. Le taux de croissance de l’économie du pays est depuis plusieurs années bien supérieur à celui de la France. La Pologne est désormais la 10e économie de l’Union européenne. Pour satisfaire les besoins de main-d’œuvre, les autorités polonaises ont organisé le recours à une immigration choisie.

 

Une immigration choisie

 

Les besoins en main-d’œuvre en Pologne sont particulièrement importants dans l’agriculture, le bâtiment, les services domestiques, la santé, le tourisme et l’enseignement. Pour y faire face, les autorités polonaises accordent de plus en plus de permis de travail aux étrangers.

Alors qu’en 2008 près de 20 000 travailleurs étrangers disposaient d’un titre de travail, ils étaient 450 000 en 2019. Le nombre de titres de travail délivrés dans la période 2015-2019 est tout à fait considérable : 1,2 million.

Sur la seule année 2019, la Pologne a délivré près de 25 % des permis de séjour accordés dans l’Union européenne. Les nouveaux venus étaient en 2019, sur un total de 724 000, pour 551 000 d’entre eux, Ukrainiens (5).

L’immigration en vue d’une résidence permanente en Pologne est beaucoup plus modérée : elle a concerné de 6 600 à 17 400 personnes par an dans la période 2000-2019. Les Ukrainiens sont la nationalité étrangère la plus représentée parmi les étrangers qui viennent s’installer de façon pérenne en Pologne (6). La crise économique et la corruption en Ukraine ont amplement contribué à ces mouvements de populations.

En recourant à une main-d’œuvre de culture chrétienne, les autorités polonaises souhaitent préserver la culture du pays. Cette préoccupation s’est également manifestée lors de négociations engagées en 2018 avec le gouvernement philippin pour faire venir des travailleurs (7).

La Pologne a une politique très restrictive en matière d’asile. Le nombre de bénéficiaires de l’asile est chaque année d’environ 5 000, un chiffre bien éloigné des chiffres vertigineux de la France.

L’immigration nette de résidents permanents (émigrants moins immigrants) est positive depuis 2016.

La population polonaise en baisse

 

La Pologne comptait fin 2019 38,3 millions d’habitants. Comme de nombreux pays européens, la Pologne connaît un « automne démographique ». Le taux de fécondité des femmes polonaises (de 1,42 enfant par femme en 2019) ne permet pas depuis une trentaine d’années d’assurer la stabilité du nombre d’habitants (8). Conjugué à une émigration importante et en dépit d’une immigration soutenue, ce phénomène entraîne une baisse modérée mais continue de la population du pays depuis l’année 2012.

Le nombre d’étrangers vivant de façon permanente en Pologne est passé de 175 000 en 2015 à 422 000 fin 2019. Parmi ceux-ci, les Ukrainiens (214 700) sont de loin les plus nombreux, suivis par les Biélorusses (25 600) et les Russes (12 500) (9). Plus globalement, près de 1,3 million d’Ukrainiens étaient présents en Pologne en 2019. Les Ukrainiens sollicitent peu les aides sociales en Pologne : trois ans après la mise en place du programme appelé « Famille 500+ » en 2016, ils n’étaient que 4 500 à toucher ces aides (10).

La Pologne a une très faible communauté musulmane. D’un nombre évalué entre 20 000 et 40 000 personnes, elle représenterait moins de 1 % de la population (11). Le pays compte près d’une dizaine d’établissements religieux musulmans. Le projet de construction d’une seconde mosquée à Varsovie en 2010 a donné lieu à une manifestation, ses détracteurs accusant le bailleur d’être lié aux Frères musulmans (12). La demande fin 2019 d’étudiants musulmans de l’université de Torun de « pauses » pour pratiquer leur culte a été prestement refusée (13).

La politique d’acquisition de la nationalité polonaise est très restrictive. Dans la période 2000-2019, les 62 900 personnes qui en ont bénéficié étaient principalement Ukrainiennes, puis Biélorusses et Russes.

Un pays sûr

 

L’éditorialiste du syndicat polonais Solidarité, Patrick Edery, soulignait récemment que la Pologne avait refusé l’asile au Tchétchène (et à sa famille) qui a décapité le professeur Samuel Paty à l’automne 2020 en France (14). Cela l’amenait à conclure que « grâce à sa politique tant décriée la Pologne n’a pas connu d’attentats sur son sol, ses taux d’insécurité et de viols sont les plus bas d’Europe. L’État protège avant tout ses citoyens ».

Dans la période 1979-2019, la Pologne a été épargnée par le terrorisme islamiste, alors que la France était frappée par 29 attentats faisant 317 victimes (15).

Les causes de la délinquance sont toujours multifactorielles et leur analyse est tributaire des biais des outils statistiques. Néanmoins, les chiffres mis à disposition d’Eurostat méritent une attention particulière :

 

 

Vols

Viols

Agressions à caractère sexuel

Pologne

22

1.99

1.10

France

153

29.38

44.44

 
Vols, nombre de vols pour 100 000 habitants enregistrés par la police, moyenne de 2016 à 2018 (16).
Nombre de viols, d’agressions à caractère sexuel pour 100 000 habitants, année 2018 (17)
Source Eurostat

 

Au regard de plusieurs indicateurs, la Pologne, comme certains pays voisins de l’est de l’Europe, est préservée de la montée d’une délinquance de plus en plus violente. Ce sont parfois des Polonais qui nous rappellent l’incroyable banalisation de la délinquance en Europe de l’Ouest, comme le rituel des voitures brûlées lors de la Saint-Sylvestre (18).

Soutien populaire au gouvernement opposé à l’immigration extra-européenne

 

Les différents gouvernements qui se sont succédé en Pologne mènent une politique d’immigration choisie. Leur refus d’accueillir une immigration afro-musulmane est fréquemment qualifié de raciste en Europe de l’Ouest. Cette politique n’en bénéficie pas moins d’un important soutien populaire. La crise migratoire de 2015 a attisé la crainte d’une submersion migratoire et de profonds changements culturels et sociaux.

Plusieurs manifestations contre l’islamisation de la Pologne ont été organisées dans le pays afin que les autorités ne cèdent pas au diktat de l’Union européenne en la matière. Alors que le 12 septembre 2015, en Europe de l’Ouest, des manifestants réclamaient une plus grande ouverture des frontières, près de 10 000 personnes manifestaient à Varsovie contre l’immigration (19). Deux ans plus tard, le 7 octobre 2017, ils étaient, selon le Visegrád Post, près d’un million à prier, parfois à la frontière, « contre l’islamisation de l’Europe et pour le retour des nations d’Europe aux racines chrétiennes » (20).

Selon un récent sondage, trois jeunes Polonais sur quatre seraient opposés à l’accueil des « réfugiés » (21). Loin d’être tourné en dérision, le patriotisme est une valeur largement partagée en particulier dans la jeune génération, comme en témoigne le succès de la manifestation pour le centenaire de l’indépendance du pays, en novembre 2018 (22).

 

La Pologne à la pointe de la résistance aux injonctions de la Commission européenne

 

Les gouvernements polonais successifs ne dévient pas d’une ligne de conduite définie en 2015 par le parti Droit et justice et rappelée en 2018 par le Premier ministre Mateusz Morawiecki : « Nous n’accueillons pas de migrants issus de pays d’Afrique ou du Moyen-Orient » (23).

La Pologne est sur le chemin des Tchétchènes qui souhaitent gagner l’Europe de l’Ouest. Les refoulements de clandestins pratiqués par des gardes-frontières polonais à la frontière avec la Biélorussie ont valu aux autorités polonaises d’être récemment condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme (24).

Comme la Hongrie et la République tchèque, la Pologne a refusé les quotas de migrants décidés par la Commission européenne en 2015, au plus fort de la crise des migrants. Comme ces pays, la Pologne a été condamnée pour ce motif par la Cour de justice de l’Union européenne le 2 avril 2020 (25). Cette condamnation avait été anticipée par le ministre de l’Intérieur polonais qui déclarait en 2017 : « La Pologne préfère subir des sanctions de l’UE que d’accueillir des demandeurs d’asile » (26). Les autorités polonaises refusent également de participer à toutes les répartitions, organisées sous l’égide de la Commission européenne, des clandestins arrivés sur les côtes européennes.

La Pologne est, comme les autres pays du groupe de Visegrád, très réservée sur le pacte européen sur l’asile et les migrations que la Commission européenne souhaite voir adopté prochainement. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki réagissait à sa présentation en septembre 2020 : « Les pays de Visegrád souhaitent avant tout un contrôle des frontières le plus rigoureux et efficace possible » (27). Toujours dans la continuité du refus de créer un écosystème favorable à l’immigration subie, la Pologne a refusé en 2018 de signer le pacte de Marrakech sur les migrations.

De l’urticaire pour les progressistes

 

Les ingrédients de la politique migratoire du gouvernement polonais sont donc réunis pour donner une sérieuse urticaire aux « progressistes » qui n’ont de cesse d’organiser une immigration massive en Europe de l’Ouest. Dans ce contexte, la Commission européenne a mis en place un mécanisme qui conditionne le versement de fonds communautaires au respect de « l’État de droit ». Si l’immigration ne figure pas – pour le moment – parmi les griefs reprochés au gouvernement polonais, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un moyen de pression indirect pour infléchir sa position en la matière.

Les autorités polonaises sont notamment accusées d’utiliser la loi antiterroriste adoptée en 2016 afin d’éloigner du territoire des musulmans qui ne seraient pas coopératifs dans la lutte contre le terrorisme et l’espionnage (28). Son refus de laisser entrer tout migrant clandestin dans le pays met en relief les contradictions de la doctrine du « non-refoulement » consacrée par le droit communautaire.

La Pologne, comme les autres pays du groupe de Visegrád, ne votera en faveur du futur pacte européen sur l’asile et les migrations que si aucune obligation ne lui est imposée d’accueillir des migrants d’une autre aire civilisationnelle que la sienne. Tous ces éléments sont autant de motifs de contentieux avec les tenants du multiculturalisme et de l’immigration de masse. En réponse aux menaces de la Commission européenne, la Pologne et la Hongrie viennent de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour invalider la conditionnalité des aides communautaires au respect de « l’État de droit » (29).

Quelle que soit l’issue de cette démarche, il y a peu de chances que le gouvernement polonais accepte en échange de quelques subsides de revenir sur ses valeurs fondamentales.

Et puisque vous êtes encore là…

 

L’ensemble des monographies consacrées au grand remplacement en Europe parues sur le site de Polémia a fait l’objet d’un livre solidement charpenté, par Jean-Yves Le Gallou, qui vient de paraître aux éditions Via Romana. Nous ne pouvons que vous encourager à vous le procurer.

Ce tour d’Europe commencé en juin 2019 a eu un retentissement bien au-delà de la France. Des articles ont été traduits en néerlandais, en allemand, etc. L’occasion nous est donnée de remercier cordialement les lecteurs qui se sont manifestés sur les réseaux sociaux et nous ont encouragés à mener à bien cet aperçu du changement de population en Europe. L’actualité nous montre que cette histoire est en constante évolution et ne sera que ce que nous en ferons.

 

Paul Tormenen

 

Source : Polémia

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