Déchéance de nationalité: "C'est presque aussi compliqué à droite qu'à gauche"

05.02.2016

Une semaine avant le vote sur le projet de loi sur la réforme constitutionnelle à l'Assemblée nationale, les députés semblent dans le "flou". A droite comme à gauche, la question de la déchéance de nationalité continue de diviser.

"C'est compliqué quand on est dans des sables mouvants..." Le résumé de la situation sort de la bouche du chef de file des députés UDI Philippe Vigier. Le projet de loi sur la réforme constitutionnelle, comportant l'extension de la déchéance de nationalité, continue de diviser les parlementaires, une semaine avant le vote prévu mercredi 10 février à l'Assemblée nationale.

A gauche, les députés PS sont toujours fracturés sur ce texte. Dans sa dernière rédaction présentée par Manuel Valls la semaine dernière, il rend possible la déchéance de nationalité ou des droits attachés pour les auteurs de crimes ou délits terroristes. Le président du groupe, Bruno Le Roux, avait estimé que la nouvelle mouture sans référence aux binationaux permettrait de "rassembler beaucoup plus largement".

Les députés PS veulent une nouvelle rédaction

Mais mardi, en réunion de groupe, les débats sont repartis pour un tour, avec "énormément de contestation de l'article 2" portant sur ce point, selon des participants. Le groupe PS a réclamé au gouvernement de supprimer la référence à l'interdiction de l'apatridie dans l'avant-projet de loi d'application: de fait, seuls les binationaux seraient alors concernés, ce qui crée une inégalité entre les Français. Impossible pour certains députés de gauche.

L'opposition va au-delà des "frondeurs", une députée légitimiste estimant que "l'écrasante majorité des députés PS, comme des ministres, sur le fond ne sont pas en adéquation avec cette proposition" sur la déchéance. Au point que Gérard Larcher, président LR du Sénat, a invité François Hollande à renoncer à la déchéance de nationalité s'il n'a pas le soutien de la gauche, une semaine après la démission de Christiane Taubira, motivée par ce "désaccord politique majeur".

Toujours à gauche, les écologistes sont encore une fois partagés, notamment sur l'article 2. D'après Sergio Coronado, une "majorité" s'opposera à la révision de la Constitution, même après la nouvelle rédaction. Les radicaux de gauche, eux, devraient majoritairement voter pour ou s'abstenir, dans l'idée "que la discussion continue" au Sénat. Enfin, toujours dans un rejet "frontal", les députés Front de gauche ont une "opposition claire, nette" à l'extension de la déchéance de nationalité, et ne voient pas l'utilité de constitutionnaliser l'état d'urgence.

Un soutien plus maigre que prévu des députés LR

Le gouvernement pourrait donc s'en remettre à la droite, pour que le texte passe à l'Assemblée nationale, soit transmis au Sénat, et surtout pour obtenir la majorité des 3/5e des suffrages exprimés au Congrès qui suivrait à Versailles. Sauf que les députés LR ne seraient plus majoritairement favorables à la réforme. L'ex-Premier ministre François Fillon s'est prononcé contre la réforme mardi, rejoignant ainsi des députés comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Hervé Mariton, Patrick Devedjian, ou le juppéiste Edouard Philippe.

Leur chef de file Christian Jacob, qui avait précédemment indiqué qu'ils voteraient le texte "sans état d'âme" à condition qu'il soit "efficace", s'est refusé mardi à donner une position de vote vu le "flou" régnant. "Nous, nous sommes favorables à la déchéance de nationalité pour les binationaux qui portent les armes contre la France", plaide-t-il notamment, s'en remettant au texte initial voulu par François Hollande, et non au texte du gouvernement qui "ne ressemble plus à rien".

Les députés UDI, eux, attendent l'"atterrissage" du texte à la fin des débats pour se prononcer. Le président du parti, Jean-Christophe Lagarde, a indiqué la semaine dernière que la nouvelle mouture lui paraissait "plus correspondre" aux souhaits centristes, avant de tempérer son propos. Le chef de file des députés, Philippe Vigier, a insisté sur les attentes non satisfaites, notamment sur l'état d'urgence. Selon une députée LR, "cette histoire devient presque aussi compliquée et floue à droite qu'à gauche".