Crise des essais nucléaires nord-coréens : l’escalade jusqu’où ?
Kim Jong-un, le président nord-coréen pose devant une batterie de missiles balistiques. L’héritier de la dynastie communiste qui dirige le pays depuis 1948 vient de propulser son pays dans l’ère nucléaire suite à la réussite de deux tirs de missiles aériens.
La crise avec la Corée du Nord est entrée dans une phase aigüe depuis un mois et l’annonce par Pyongyang, le 8 août dernier, d’un tir de missile nucléaire. Cet essai nucléaire réussi fait entrer la Corée du Nord, dernier régime communiste de la planète, dans le club très fermé des puissances nucléaires.
Le pays poursuit sa politique de la tension en réalisant un 2ème tir de missile, le 6 septembre, au-dessus de l’espace aérien du Japon entraînant un nouveau regain de tensions. Regain d’autant plus vif que les autorités nord-coréennes ont fait savoir qu’il s’agissait d’un tir de missile thermonucléaire (communément dénommé Bombe H), bien plus puissant que la bombe atomique classique. Cette information n’a pour l’instant pas été confirmée par la communauté internationale, toutefois, une chose est certaine, la Corée du Nord a très fortement progressée dans la maîtrise de la technique de l’arme nucléaire.
Cette escalade dans la course à l’arme nucléaire du seul régime communiste encore en place suscite l’inquiétude de la communauté internationale et les menaces les plus dures de la part des États-Unis. En effet, le 11 août, le président américain Donald Trump mettait en garde Kim Jong-un. D’après le président Trump la Corée risquait de connaître des représailles d’une ampleur jamais vue si elle menaçait les intérêts américains dans le Pacifique, notamment la sécurité de l’île de Guam. Donald Trump précisait que les États-Unis déclencheraient sur la Corée du Nord « le feu et la fureur comme le monde n’en a jamais vu ».
Cette escalade verbale ne s’est pas démentie depuis un mois, malgré une légère détente que le tir de missile du 6 septembre a contribué à annihiler. En effet, les États-Unis ont une nouvelle fois menacé militairement la Corée du Nord et Mexico a expulsé l’ambassadeur de Corée en poste au Mexique. Toutefois, la Russie et la Chine demandent que la voix de la diplomatie l’emporte sur l’option militaire, très (trop ?) promptement mise en avant par Washington.
En effet, s’il faut prendre au sérieux Kim Jong-un et sa volonté de puissance, il ne faut pas confondre le dirigeant nord-coréen avec un fou prêt à embraser le monde.
Comme dans le dossier du nucléaire iranien, il faut avoir à l’esprit qu’un État qui souhaite disposer de l’arme nucléaire le fait non pour s’en servir, mais pour s’assurer une garantie d’indépendance et assoir sa puissance régionale. La Corée du Nord souhaite se doter de la puissance nucléaire afin de pouvoir peser sur l’échiquier mondial et pouvoir se protéger d’États plus puissants, en premier lieu les États-Unis.
La Corée du Nord est en effet fragile et le régime communiste, au pouvoir depuis 1948 et l’accession au pouvoir de Kim Jong-il, grand-père de Kim Jong-un, ne subsiste que grâce au soutien, actif jusqu’années 1990 de la Chine et de la défunte URSS.
Privée de l’alliance soviétique depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, la Corée du Nord est également progressivement lâchée par la Chine. L’actuel président chinois, Xi Jinping prend de plus en plus ses distances avec les dirigeants nord-coréens. En outre, le pays est extrêmement dépendant de la Chine pour ses approvisionnements en hydrocarbure puisque celle-ci livre gratuitement, depuis les années 1970, environ 500 000 tonnes de brut par an à la Corée de Nord. A côté de cette livraison gratuite, la Chine est également le principal fournisseur de pétrole de la Corée du Nord (en 2016, la Chine a livré, via la China National Petroleum Corp, CNPC, l’équivalent de 96 000 tonnes d’essence et de 45 000 tonnes de diesel). L’économie coréenne dépend également des débouchés qu’elle trouve sur le marché chinois. Selon une étude du quotidien Le Figaro, 92 % des exportations coréennes sont destinées à la Chine. Ainsi, selon la même source, ces exportations vers la Chine représentent 46,7 millions de dollars de produits de la mer et 22,5 millions de tonnes de charbon, ainsi que 30 % de la production textile du pays.
Toutefois, depuis le début de l’année 2017 et la montée des tensions, la Chine a considérablement réduit le volume de ses importations en provenance de Corée du Nord. Un nouveau cap a été franchi le 5 août lorsque Pékin a décidé de geler toutes les importations de fer, minerai de fer, plomb, minerai de plomb, et d'animaux aquatiques et produits de la mer en provenance de Corée du Nord.
Une aggravation des sanctions chinoises, en fermant par exemple l’approvisionnement en hydrocarbure, porterait un coup fatal à l’économie nord-coréenne et fragiliserait d’autant le régime de Kim-Jong-un.
La fragilité économique de la Corée du Nord démontre que, malgré les provocations de son dirigeant, le monde n’est pas menacé par une action de ce pays.
Dans ce contexte, seule l’action diplomatique et des sanctions économiques adaptées peuvent permettre une sortie de crise. Pyongyang vise plus à peser sur la scène diplomatique internationale et souhaite acquérir une sorte d’immunité en se dotant de l’arme nucléaire plutôt qu’à provoquer un conflit généralisé. Les États-Unis et les pays occidentaux ne doivent pas céder à la tentation d l’engrenage et doivent plutôt suivre l’exemple de la Russie et de la Chine, qui prônent une solution négociée.