Après l’échec de Marine Le Pen et du Front national, quel avenir pour le populisme ?

11.09.2017

La rencontre entre Marine Le Pen et le président russe Vladimir Poutine à Moscou, le 24 mars dernier a été l’un des temps forts de la campagne présidentielle de la candidate française, en même temps que le symbole de l’Europe des patries et des peuples que nous appelons de nos vœux.

Le 7 mai dernier devait être le triomphe de Marine Le Pen. Le scénario était écrit depuis des mois, voire des années, l’élection présidentielle française de 2017 ne devait pas lui échapper.

Après trois années de succès ininterrompus, le Front national ne pouvait échouer si près du but et devenir ainsi le modèle de tous les peuples européens qui désespèrent de retrouver leur identité et leur souveraineté. La candidate du Front national pouvait ne pas triompher, mais dans ce cas, son mouvement représentait la seule force d’opposition au système et cinq ans supplémentaires lui permettraient de l’emporter en 2022.

Hélas, en quelques semaines, ce beau rêve s’est évanoui. Non seulement Marine Le Pen n’est pas présidente de la République, mais elle a essuyé un cinglant désaveu qui a entraîné mécaniquement une désaffection des électeurs lors des élections législatives qui se sont soldées par l’élection de seulement 10 députés frontistes ou alliés, là où l’on pouvait raisonnablement en attendre 40 à 50.
Le Front national avait commencé 2017 avec un moral de vainqueur, il en ressort fortement affaibli et meurtri par les querelles internes.
Cet échec doit nous amener à réfléchir sur l’avenir du courant national et populiste tant en France que dans le reste de l’Europe. En effet, si le Brexit a pu susciter l’espoir de voir l’Union européenne s’autodétruire, une victoire du Front national aurait eu une tout autre ampleur du fait que la France est l’un des six États fondateurs de l’Union européenne.

Par ailleurs, il doit aussi nous interroger sur la stratégie électorale suivie, en grande partie responsable des mauvais résultats obtenus.
La campagne présidentielle de Marine Le Pen, lancée officiellement début février à Lyon a souffert d’un manque de souffle, perceptible dès le mois de mars, et surtout d’une absence de ligne directrice claire et d’un véritable esprit. Si les premières semaines de campagnes ont été offensives, martelant les inquiétudes des Français sur l’immigration, la perte de l’identité française et la nécessaire sauvegarde de nos traditions, très rapidement Marine Le Pen a orienté sa thématique de campagne sur l’économie et sur la sortie de l’Union européenne.
Ainsi, dès le début du mois de mars, les meetings de campagne de la candidate donnaient une part de plus en plus importante aux thèmes économiques, laissant au second plan toutes les autres questions (immigration, insécurité, famille, fiscalité).

Plus encore, auprès des médias, Marine Le Pen et ses principaux lieutenants n’avaient qu’une seule proposition à mettre en avant, la sortie de l’Union européenne par une sorte de « Frexit ». Ce prisme de la souveraineté, pour capital qu’il soit, n’est cependant qu’un des aspects des difficultés que connaît la France. En quoi l’Union européenne est-elle responsable du taux de chômage élevé (plus haut que la moyenne de nos voisins européens), des blocages de l’économie française, du poids écrasant de la fiscalité (la France a l’un des taux de prélèvement le plus élevé de l’Union).

Ce choix de campagne s’est révélé d’autant plus inaudible qu’au même moment la France, comme le reste de l’Europe, est confrontée à une immigration qui s’apparente de plus en plus à une invasion, avec l’arrivée de dizaines de milliers de clandestins, dont l’immense majorité sont des hommes jeunes en train de coloniser nos pays. Le Front national avait la plus grande légitimité à se saisir de ce thème puisque depuis ses origines, il est le seul mouvement politique français à combattre la menace de l’immigration.

En outre, au moment où le candidat de la droite se trouvait piégé dans un scandale financier qui le décrédibilisait auprès de son propre électorat, rien n’a été fait par la direction du Front national pour essayer de récupérer ces électeurs orphelins. S’en tenant au « Ni Droite/Ni Gauche », qui peut avoir tout son sens, Marine Le Pen n’a pas abordé les questions qui auraient pu faire basculer une partie de l’électorat de François Fillon vers sa candidature.

Alors que pendant deux ans (2013/2014) la France a été secouée par la contestation de la loi Taubira, légalisant le mariage homosexuel, et que le peuple de droite est descendu dans la rue par millions aux côtés des électeurs du Front national, rien n’a été fait pour essayer de faire du Front national le seul mouvement défenseur de la famille et de la vie.

Dans le registre économique, alors que la pression fiscale pénalise de plus en plus les petites et moyennes entreprises, Marine Le Pen a tardé à parler de la fiscalité et elle a maintenu un programme économique que beaucoup jugent très à gauche, notamment en matière de prélèvements fiscaux sur les entreprises ou de droit du travail.

Les seules initiatives heureuses de la campagne ont été les petits meetings dans des villages, ce qui a permis à la candidate de se rapprocher de ces électeurs et de créer un véritable engouement populaire et surtout la réussite sur la scène internationale.

En effet, le voyage officiel au Liban où elle a été reçue par le président Michel Aoun, sa visite officielle en Afrique et sa rencontre à Moscou avec Vladimir Poutine ont été l’occasion de donner à Marine Le Pen une stature internationale et de développer une vision alternative des relations internationales.

Toutefois, ces réussites incontestables n’ont pas suffi et Marine Le Pen ne s’est qualifiée que de justesse pour le second tour de l’élection présidentielle. Alors que tous les sondages de début de campagne donnait la candidate patriote autour de 26/27 %, elle ne réalise que 21,3 % et totalise 7,7 millions de voix au soir du 1er  tour, le 23 avril. Pire, elle est seconde, derrière Emmanuel Macron. Une véritable contre-performance, alors que le Front national a réalisé des scores dépassant 25 % à toutes  les élections depuis 2014.

Après un bon début de campagne d’entre deux tours, marqué par le ralliement du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan et un réel engouement populaire, la deuxième semaine de campagne est plus terne et le débat télévisé catastrophique du 3 mai conduit à la sévère défaite du 7 mai. Alors que les sondages de fin avril créditaient Marine Le Pen de 41 % des suffrages, celle-ci n’obtient que 33,9% et 10,6 millions de voix au soir du second tour. Ce chiffre est certes historique, mais démontre une nouvelle fois que le Front national est encore très loin du pouvoir. Par ailleurs, seuls 19 % des électeurs de François Fillon se sont reportés sur Marine Le Pen au second tour, en partie à cause de la question économique et de la volonté de sortir de l’euro.

Cette contre-performance aura pour effet de démobiliser l’électorat frontiste lors des élections législatives du mois de juin, ce qui a entraîné une lourde défaite puisque le Front national perd 500 000 voix par rapport aux législatives de 2012. Il fait certes élire huit députés, dont Marine Le Pen, mais la faiblesse de son effectif l’empêche d’avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale (il faut en effet un minimum de 15 élus).

Ce double échec, aggravé encore par la perception que les Français ont eu de la prestation de Marine Le Pen lors du débat présidentiel, pour la première fois sa capacité à gouverner a été prise en défaut, a considérablement fragilisé le Front national et au-delà le courant nationaliste et populiste européen.

Partant de ce constat, quel avenir se présente pour le Front national et le populisme en Europe ?

Au premier chef, la thématique de la sortie de l’Union européenne et plus encore de l’abandon de l’euro a été un repoussoir pour une immense majorité de l’électorat (76 % des Français sont opposés à la sortie de a zone euro).

De plus, un programme économique très étatiste a fortement découragé les électeurs de droite de rejoindre le Front national.
Plus fondamentalement, le Front national doit repenser sa stratégie et retrouver les idées qui ont fait son succès depuis le milieu des années 1980. Pour cela, il faut abandonner le triptyque patriote, républicain, laïc, qui d’évidence ne parle pas aux électeurs, pour en revenir à un mouvement de droite, nationale, populaire et sociale.

L’immigration et son corollaire, l’identité nationale, doit revenir au centre du programme du Front national. En effet, les Français se battront pour défendre leur identité, leur culture, leur mode de vie, pas pour savoir si l’on doit payer son pain en franc ou en euro.
Le Front national doit donc revenir à des enjeux de civilisation, qui seuls mobilisent les électeurs, et non se concentrer sur des questions techniques ou économiques. En effet, les résultats du 2ème tour nous le prouvent, il existe une forte marge de progression à droite. Face à la déliquescence des Républicains, une partie notable de l’électorat conservateur s’est reporté sur la candidature de Marine Le Pen pour le second tour. Cet électorat orphelin attend du Front national qu’il tienne un discours patriote, enraciné, fortement ancré sur les valeurs chrétiennes qui ont fait la France. Pour le séduire, le Front national doit donc mettre en avant la défense de l’identité et des traditions françaises, de notre culture, de l’enracinement à la place des questions économiques qui divisent.

Par ailleurs, la victoire n’est possible que si l’électorat populaire (qui vote largement pour le Front national) est rejoint par une partie de l’électorat bourgeois conservateur. Dans cette optique, seules les questions identitaires et civilisationnelles sont à même de réaliser l’unité entre ces deux électorats socialement antagonistes.

Recentrer le programme du Front national sur ces thèmes permet en outre de se repositionner favorablement sur la question européenne. En effet, le Front national s’oppose à l’Union européenne, construction technocratique et abstraite, mais il est favorable à une autre Europe. Cette Europe, qui reste à bâtir, est celle des patries et des peuples libres. L’Europe de Brest à Vladivostok autour d’un axe Paris/Moscou. Cette Europe est l’antithèse de l’Union européenne et se veut une Europe civilisation, une Europe puissance. Cette nouvelle Europe à construire, sur les ruines de l’Union européenne, doit être l’objectif du Front national et de tous les mouvements nationalistes et patriotes de notre continent.